Economie & emploi

Pourquoi le recul des élections municipales et des AG de copropriété mettent le BTP en péril

Alors que l’on pourrait considérer le sujet des élections municipales comme secondaire et n’intéressant que le microcosme politique, il s’avère que l’impact du covid-19 sur la machine électorale a de lourdes conséquences sur l’économie et l’emploi des secteurs vitaux, tels que celui du BTP avec, en perspective, un effet d’amplification du choc économique, et des « effets domino » à répétition. Le report des assemblées générales dans les copropriétés vient encore renforcer cet impact, au moment où les problèmes économiques liés au confinement commencent à se profiler.

En marge de notre interview sur le point de situation du BTP à la mi-mai 2020 (cliquez pour lire), Pierre SCHAEFFER, le Président de la Fédération du BTP Moselle a tenu à mettre le doigt sur le fait que ces retards vont avoir des conséquences catastrophiques sur l’économie et l’emploi local.

Conseils municipaux et conseils communautaires entre deux eaux

Environ 30.000 communes ont élu une liste au premier tour des élections municipales 2020, sur les 35.000 que compte le territoire français. Suite à une décision du Premier ministre le 12 mai 2020, les conseils municipaux de ces communes seront installés d’ici au 28 mai. Pour les 5000 communes restantes, parmi lesquelles les plus grandes, comme pour une bonne partie des intercommunalités, le temps est suspendu, en attendant que les listes définitivement élues dans toutes leurs communes puissent composer les instances des agglos et des métropoles.

Dans les instances communales en intercommunales, les élus des équipes précédentes sont restés en place pour gérer les affaires courantes, et l’installation (à venir dans les intercommunalités) d’équipes partielles sera problématique. Il leur est difficile voir impossible de lancer de nouveaux projets et donc d’en voter les budgets, car cette prérogative appartiendra aux nouvelles équipes municipales et communautaires, qui seront élues en deux temps au terme du second tour pour mettre en oeuvre les programmes de travaux nécessaires ou emblématiques des grands donneurs d’ordre qu’ils constituent.

S’ajouteront à cela les délais pour l’étude et le vote de nouveaux budgets et projets, ceux du lancement des appels d’offre, leur instructions, l’apurement de délais légaux et le calage dans les plannings de travaux. L’unité de calcul varie du mois au trimestre dans le meilleur des cas, du semestre aux années pour les projets de plus grande importance, avant de transformer les projets en emplois.

Dès lors, pour les secteurs économiques dont l’activité est au moins en partie liée aux décisions des communes et des intercommunalités, on comprend mieux l’importance que revêt la date de la tenue du second tour des municipales.

Une date cruciale

Loin des calculs politiques individuels qui se concentrent essentiellement sur la meilleure période souhaitable pour améliorer son score ou gagner les élections, on pourrait penser que pour l’économie, l’emploi, et la limitation du choc économique à venir, le plus tôt sera forcément le mieux. Le gouvernement avait fixé la date du 23 mai 2020 pour sa prise de décision. Du côté des scénarios, trois possibilités ont été évoquées : la fin du mois de juin, la période de septembre/octobre, et même mars 2021. C’est à ces dates qu’il faudra additionner les délais de décision et de mise en oeuvre mentionnés plus haut pour les projets qui permettront de maintenir la tête hors de l’eau pour des secteurs tels que celui du bâtiment et des travaux publics.

La tenue du premier tour des municipales 2020, dans un contexte particulier avant la mise en confinement du pays, fait aujourd’hui logiquement débat (y compris chez ceux qui réclamaient hier qu’il soit maintenu coûte que coûte). Des études suggérant son impact limité pour la propagation du virus lors du scrutin sont d’ailleurs parues.

L’organisation du second tour des municipales dans le cadre d’un dispositif sanitaire local et de citoyens désormais plus aguerris, associés à un taux d’équipement individuel en forte hausse, et adossé à des stocks collectifs dont les livraisons sont multiples et quotidiennes, divisera forcément elle aussi.

Alors même que l’on sait qu’a priori le covid-19 restera en circulation pendant plusieurs mois voir années, et qu’une seconde vague de contaminations est considérée comme probable ou tout du moins possible, le second tour des municipales sera forcément confronté à une situation sanitaire particulière… sauf si le professeur Raoult a raison et que le virus disparaît.

La question sanitaire est donc éminemment politique, et la décision fera inéluctablement débat. Les conséquences, elles, seront économiques avant d’être politiques, avec l’opposition de la prééminence du sanitaire ou de l’économique en toile de fond dans un premier temps. Le débat sur le remboursement des dettes contractées pour faire face à la pandémie et à ses effets viendra plus tard… on se souviendra qu’en 2015 les mesures pour faire baisser l’endettement des collectivités avait mis le secteur du BTP à genoux.

Des AG dans les copros, vite !

Confinement oblige, les Assemblées Générales planifiées dans les copropriétés ont été au mieux reportées, et au pire annulées pour le moment. Or, pour le secteur du bâtiment, ces reports ont eux aussi un impact direct sur les décisions de travaux à réaliser, et donc sur le lancement des appels d’offre à lancer. Le décalage qui en résulte limite, de fait, la visibilité des entreprises de bâtiment sur les commandes et chantiers à venir.

L’effet des reports a ici pour conséquence de préparer le terrain à un trou d’air dans les activités, pour un contrecoup économique sur l’ensemble des corps de métiers du second oeuvre, privés de chantiers.

Le cumul des délais publics et privés peut donc mettre en péril des entreprises dont la trésorerie aura déjà souffert de la période de confinement. Derrière, des emplois pourraient donc être détruits dans les entreprises du bâtiment, comme auprès des fournisseurs de ces dernières ayant elles-même leurs propres fournisseurs et prestataires.

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