Economie & emploi

Redémarrage du BTP en Moselle : point de situation et mesures attendues par le secteur

Pierre SCHAEFFER, le président de la Fédération BTP Moselle (source photo : fédération)

Le proverbe dit « Quand le bâtiment va, tout va ». Avec le choc économique qui suivra le choc sanitaire, l’état d’activité et les perspectives de la branche constructions constituent des indicateurs importants à suivre.

Depuis quelques jours, les chantiers ont commencé à reprendre vie un peu partout sur le territoire, mais covid-19 oblige, dans un contexte qui change en partie la donne.

Pierre SCHAEFFER, le Président de la Fédération du BTP Moselle, nous a accordé une interview pour faire le point sur la situation à la mi-mai 2020.

Il en profite pour adresser un message aux pouvoirs publics, en dressant la liste des mesures de soutien à mettre en oeuvre à très court terme pour le bâtiment et les travaux publics.

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Le chiffre de la reprise : 59% en Moselle

Si les chantiers dans les hôpitaux et les EHPAD sont toujours à l’arrêt, il en est d’ailleurs de même pour ceux de certains bailleurs sociaux, du côté des chantiers chez les particuliers signés avant la crise du covid-19, il n’y aurait a priori « pas trop de problèmes ».

Au niveau de la région Grand Est en général, et du département mosellan en particulier, 59% des entreprises ont repris une activité, au moins partielle, pour environ un tiers de l’activité habituelle. Les entreprises qui n’ont pas repris sont quant à elle en attente de la réouverture des chantiers de gros oeuvre ou de second oeuvre auxquelles elles sont liées.

La fédération du BTP Moselle évalue à environ 22% les chantiers ayant repris une activité « normale ». C’est à dire des chantiers où la totalité de la chaîne est en action, c’est à dire ceux où tous les corps de métiers, maîtres d’oeuvre compris, sont actifs et peuvent se suivre pour la réalisation des travaux.

Pour les près de 80% restants, la situation est donc plus complexe, et le redémarrage parfois chaotique. Selon Pierre SCHAEFFER, il faudra entre 1 et 2 mois avant de pouvoir revenir à un niveau quasi total d’activité sur ces chantiers.

Des chantiers perturbés, et plus chers

Plusieurs facteurs, qui parfois se cumulent, perturbent le bon déroulement des chantiers lors de cette phase de redémarrage encadrée, du point de vue sanitaire, par le « guide de préconisation et sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction en période de Covid-19 » et les fiches pratiques par corps de métiers qui y sont associées ; des éléments référents mis en place au niveau national (à consulter ici).

Parfois, c’est l’absence des maîtres d’oeuvre sur le chantier qui rendent encore impossible ou très complexe le redémarrage des travaux, mais c’est loin d’être la principale raison des ralentissements que subissent les chantiers.

Très vite les entreprises de BTP ont pu disposer de gel hydroalcoolique (2700 litres ont été distribués en Moselle dans le secteur). Mais avec l’obligation (selon le guide) de se laver les mains toutes les deux heures, et celle de désinfecter régulièrement les « base vie » des chantiers, le rythme est saccadé et la productivité en a pris un coup.

De son côté, la disponibilité des masques de protection a été, comme partout, sous tension. Or sur les chantiers dits de co-activité (lorsque les personnels ne peuvent pas respecter la distanciation du fait même des travaux à réaliser, surtout dans le second oeuvre), les problèmes d’approvisionnement de masques de protection ont posé des problèmes insolubles du point de vue sanitaire. La fédération indique que, petit à petit, les stocks arrivent néanmoins, et la situation devrait être réglée dans les jours à venir.

Autre type de perturbation : celle de l’approvisionnement des matériaux. Avec l’enchaînement du passage des corps de métiers, il suffit d’un maillon privé de ses moyens pour que le chantier soit, au moins partiellement, à l’arrêt. Ainsi, on citera par exemple le défaut de livraison de carrelage, souvent fabriqué en Italie ou en Espagne, des pays et des unités de fabrication lourdement touchés par le covid-19, et dont la production attendue n’a pu être livrée.

On notera enfin que le cumul des mesures sanitaires et de distanciation entraîne un surcoût non négligeable (estimé à environ 10%), pour des facteurs qui n’étaient pas prévisibles lors du chiffrage des travaux. Des surcoûts que les entreprises souhaitent partager avec les maîtres d’oeuvre, via un dialogue que l’on imagine pas toujours évident.

Un message aux pouvoirs publics

A court terme, le constat est positif : « les procédures de chômage partiel et les prêts de trésorerie ont eu l’efficacité escomptée pour passer le premier cap » selon Pierre SCHAEFFER. Mais comme la quasi-totalité des secteurs d’activité, se projeter dans le futur est un exercice difficile.

Même si son tempo est souvent plus lent, qu’en est-il de l’avenir pour le BTP ? Si le président de la fédération de Moselle se dit être de nature plutôt optimiste, il anticipe une situation qui va probablement se tendre en allant sur la fin de l’année. Car pour le moment, le problème concerne les nouvelles commandes, alors que le secteur se relevait de la crise de 2015.

Cela va être compliqué, il faut à tout prix redonner confiance aux particuliers et aux entreprises pour qu’ils reprennent très rapidement leurs investissements et leurs projets, sans quoi il y aura de la casse.

Il nous faut impérativement, et au plus vite, un grand plan de relance.

Pierre SCHAEFFER

L’urgence étant de mise, en complément du grand plan, la fédération du BTP Moselle aligne plusieurs demandes adressées aux pouvoirs publics pour soutenir l’activité du secteur, parmi lesquelles on retrouve pêle-mêle : l’accélération des temps d’instruction des permis de construire, l’allègement des charges sociales sur les heures supplémentaires, le gel de la hausse du prix du GNR, le gasoil spécifique pour les engins de chantier (prévue pour cet été de 1€ à 1,50€ le litre), et enfin la hausse (de 5% actuellement, à 30% très vite) des avances sur chantier pour protéger la trésorerie des entreprises.

Si la mise en oeuvre est à prendre avec des pincettes, il n’est pas impossible que les entreprises puissent réduire la durée de la fameuse « trêve des confiseurs », à savoir l’arrêt des chantiers traditionnelle au mois d’août.

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