Le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de l’Eurométropole de Metz a été voté par les élus métropolitains durant le conseil communautaire ce lundi 3 juin 2024.
Une demi-heure avant le début des échanges, les opposants au projet se sont réunis à l’extérieur du CESCOM pour manifester. Pendant une longue soirée d’échanges, les partisans et les opposants au PLUi ont exposé des visions sensiblement différentes, parfois même irréconciliables, sur les besoins de la métropole. Retour sur une journée qui fera date.

Le PLUi remplace les PLU (Plans Locaux d’Urbanisme) et le POS (Plan d’Occupation des Sols) des 46 communes de l’Eurométropole. Il consigne les règles d’urbanisme et d’aménagement des sols pour de nombreuses années. Son impact sera concret sur l’avenir du territoire et sur la vie de ses 230 000 habitants. Or, le document est la cible de nombreuses critiques.
L’élaboration de ce PLUi représente 5 ans de travail par les services de l’Eurométropole et a nécessité environ 3 millions d’euros. Le résultat est un mastodonte de plus de 8 000 pages, difficile à analyser en raison de sa complexité. En mars, à la suite d’une enquête publique, la Commission d’enquête a donné un avis défavorable au projet : la politique d’urbanisation est jugée démesurée. Le préfet avait également émis des réserves.
L’Eurométropole revoit donc sa copie pour proposer une nouvelle mouture du document. L’opposition reste vivace et demande à ouvrir des discussions pour continuer de retravailler le texte. La majorité, quant à elle, veut avancer rapidement : place au vote et à la contestation.
L’opposition se fait entendre
À 17h30, une demi-heure avant le conseil municipal, les opposants se réunissent devant le CESCOM. Syndicats, partis politiques, associations écologistes : la foule dénonce un projet écocide à contre-courant des besoins actuels. Leur objectif était d‘interpeller les élus pour les inciter à voter contre la mesure.
Le PLUi permet de créer jusqu’à 11 300 nouveaux logements sur la métropole pour anticiper une augmentation de la population dans les années à venir. Sur cette question, les chiffres et les visions des uns et des autres s’opposent. Pour permettre à la population d’y voir plus clair, les opposants au projet ont réalisé une carte interactive. Elle est disponible en ligne en cliquant ici.
Ce PLUi est illégal. Il ne respecte ni le code de l’urbanisme, ni le code de l’environnement. Ce PLUi est saugrenu parce qu’il s’appuie sur des chiffres saugrenus. Nous avons des chiffres qui disent le contraire. Beaucoup d’organismes, le préfet et la commission d’enquête s’y opposent. Il n’y a que 18 hectares qui disparaissent pour la version 2. Il reste 500 hectares à urbaniser. Ce n’est pas correct.
Jean-François SECONDÉ, membre de l’association Sauvons la forêt de Mercy et les terres du Pays Messin et conseiller municipal (UNIS).
Selon l’Eurométropole, 256 nouveaux hectares seront urbanisables dans le cadre du PLUi. La majorité justifie notamment le besoin de logements par l’augmentation du nombre de travailleurs frontaliers au Luxembourg sur la métropole.

L’opposition ne rassemble pas uniquement des forces politiques de gauche et des écologistes : plusieurs communes militent également contre la forme actuelle du PLUi. Franck OSSWALD, maire de Saint-Julien-lès-Metz, est notamment présent au cœur de la manifestation.
Je ne suis pas persuadé qu’on ait besoin d’autant de constructions. On nous explique dans le PLUi qu’il va y avoir 600 000 emplois créés au Luxembourg. On est à Metz, fort en retrait, ce n’est pas là qu’ils viendront.
Franck OSSWALD, maire de Saint-Julien-lès-Metz
L’élu, qui ne siège pas au conseil métropolitain, fait part de son inquiétude concernant les impacts que pourrait avoir le PLUi sur sa ville. « On est contre. L’étude d’impact est négligée » indique Franck OSSWALD. Selon lui, les nouvelles constructions permises par le PLUi entre Metz et Saint-Julien risquent de « saturer nos infrastructures qui souffrent déjà ».
« Il y a 8 156 logements vacants à Metz. On n’a aucun besoin d’en construire 12 000 de plus. On ne va pas construire et artificialiser des terres agricoles sur les Hauts de Vallières sans raison », ajoute Jean-Louis GRÉGOIRE, adjoint au maire de Saint-Julien. « On se demande pourquoi le président de la métropole s’entête et ne nous écoute pas » déclare l’adjoint.

La députée LFI, Charlotte LEDUC (3ème circonscription de la Moselle) est venue sur place pour soutenir les manifestants. Si elle dénonce le projet en lui-même, c’est surtout le manque de concertation que l’élue met en avant en dénonçant une Eurométropole qui n’est « pas à l’écoute de ses habitants ».
Le dialogue s’organise et clairement il n’a pas été organisé à destination de la population. Il y a eu une enquête publique avec 1 200 contributions, c’est énorme. Je trouve qu’il ne faut pas balayer d’un revers de main les propositions des habitants. Ce PLUi doit être écrit avec la population et en accord avec nos objectifs écologiques et sociaux.
Charlotte LEDUC
Un peu avant 18h00, le président de l’Eurométropole arrive sur place. Il est accueilli par les huées des manifestants et leur lance un salut sarcastique avant d’entrer dans le CESCOM. Tout-Metz a capturé ce moment en vidéo :
Le PLUi sème la discorde
Le conseil métropolitain peut commencer. Toutefois, près d’une trentaine d’élus manquent à l’appel, soit environ un quart du conseil, pour un sujet primordial impliquant l’avenir de la métropole. Au point 16, le PLUi est abordé. Il s’ensuit alors plus d’une heure d’échanges où le groupe UNIS et le Rassemblement national expriment leurs craintes, tandis que les membres de la majorité se félicitent du travail accompli par les services.

Le groupe UNIS passe à l’offensive. « Avec ce PLUi, c’est l’avenir de nos enfants que vous coulez sous le béton » s’exclame Jérémy ROQUES. Charlotte PICARD quant à elle dénonce un projet trop technocratique et « une occasion manquée de faire métropole ». Denis MARCHETTI s’alarme d’une sururbanisation incompatible avec les besoins écologiques. « La bétonisation à outrance va favoriser les phénomènes d’inondations » précise le conseiller métropolitain.
Le PLUi est un avatar d’une métropolisation dévorante qui touche au pouvoir des maires. Les services de l’État rejoignent nos préoccupations. Ce bilan, que vous partagez avec Dominique GROS, c’est une frénésie de bétonnage, pendant que les communes moins denses se voient freiner dans leurs projets de développement.
affirme Françoise GROLET, conseillère métropolitaine (Rassemblement national)
« Certains ici voudraient le zéro artificialisation net dès maintenant. Ils se moquent du mal-logement » fulmine François GROSDIDIER. Le président de l’Eurométropole défend le besoin de nouvelles constructions alors que la Moselle devrait perdre des habitants : les « prévisions démographiques ne sont pas les mêmes autour de Metz et autour de Saint-Avold ». Selon lui, le rejet du PLUi est parfois « l’expression des pires égoïsmes et des fantasmes sur les perturbations des projets ».
Henri HASSER, vice-président de l’Eurométropole en charge de l’urbanisme et responsable du PLUi, affirme que les retours des habitants ont bien été pris en compte dans ce PLUi 2.0. « On a donné une réponse positive à 40 % des demandes, partiellement à d’autres, mais pas à certaines car elles ne correspondent pas à la politique d’aménagement que nous avons construite » indique-t-il.
Dans les rangs de la majorité, les élus restent modestes et plusieurs se déclarent en faveur du projet tout en insistant sur le besoin de révisions. « Ce PLUi existe, il va vivre, il reste perfectible. Il est aujourd’hui le meilleur point d’équilibre entre le réel et le possible », avance Laurent DAP, délégué titulaire au sein de la commission urbanisme. « Ce PLUi va évoluer. Ce sont les difficultés qu’on nous impose qui font des opportunités », ajoute Jean-Luc BOHL.
C’est normal qu’il y ait des réactions négatives car on essaie de rassembler les contraires. À Marly, 20 hectares sont rendus à la nature. Même si la trajectoire n’est pas parfaite, elle est vertueuse. On fera mieux avec la révision.
explique Thierry HORY, vice-président de l’Eurométropole en charge des finances
L’opposition considère déjà que les révisions promises par la majorité ne sont qu’une manœuvre politique du président de l’Eurométropole pour obtenir le vote des indécis.
À 21h58, le PLUi est voté par la majorité. Les groupes UNIS et Rassemblement national ainsi que deux communes votent contre. Les quelques membres de la manifestation assistant au débat quittent la salle déçus, mais pas surpris.
Une bataille judiciaire en prévision
Pour les opposants au projet, ce vote en faveur du PLUi était prévisible. La prochaine étape est d’attaquer la mesure devant les tribunaux. Le collectif Sauvons la forêt de Mercy et les terres du Pays messin prépare déjà son action en justice. Le maire de Saint-Julien-lès-Metz nous confirme également préparer un recours en justice.
À la suite du vote, Henri HASSER répond aux critiques et évoque l’avenir du PLUi :
Pour Jérémy ROQUES, le vote du conseil métropolitain est irresponsable. Selon lui, le PLUi dans sa forme actuelle n’est pas adapté aux besoins de l’Eurométropole. Sa réaction au micro de Tout-Metz :
Sollicité par Tout-Metz en sortie de conseil métropolitain, le président de l’Eurométropole s’est satisfait d’un vote devant permettre un meilleur accès au logement pour les habitants de la métropole et s’est montré critique envers son opposition.
Si nous écoutions nos détracteurs, nous nous priverions de toute possibilité de construction dans les années à venir. Il n’est pas question pour nous de faire des milliers de logements dès maintenant. Il est simplement question de pouvoir encore en faire dans les décennies à venir. C’est cela le PLUi de l’Eurométropole de Metz. Notre opposition ultra, certaines associations ou simplement des habitants un peu égoïstes souhaiteraient qu’on ne fasse plus rien. Ne rien faire, c’est accentuer la crise du logement et ajouter cette crise à toutes celles que notre société connaît déjà.
François GROSDIDIER après le vote du PLUi
« Le juge décidera en toute souveraineté », indique le président de l’Eurométropole concernant les possibles recours devant le tribunal administratif.