Vaincu par Saint-Clément au IIIe siècle, le Graoully, dragon légendaire du folklore messin, a fait une apparition remarquée à l’occasion de la fête nationale le 14 juillet. Ressuscité sous la forme d’un dragon mécanisé, la créature s’est élancée du tiers-lieu Bliiida pour cheminer jusqu’à la place d’Armes où elle était attendue par une large foule.
Quelques jours après l’événement, la bête est de retour dans son antre. C’est l’occasion d’aller à la rencontre de l’association La machine à Lulu, qui, sous la houlette de Gérard BERTRAND, alias Lulu, a œuvré pendant des mois dans le plus grand secret afin d’offrir ce spectacle inédit au public.

« Ce projet me travaille depuis des années, depuis que j’ai vu les monstres de Nantes, avec cet éléphant géant. Je me suis dit « mais pourquoi on n’a pas un Graoully comme ça à Metz ? » » raconte Gérard BERTRAND, président de l’association La machine à Lulu. L’été dernier, alors qu’il s’ennuyait, il décide de contacter des amis travaillant dans la physique et la mécanique pour leur en parler. En août, ils commencent à sérieusement travailler sur les plans.
Par un « alignement de planètes pas possible », Jean-Pierre BURGER, directeur du tiers-lieu Bliiida, et Bernard STAUDT, adjoint à la ville de Metz, entendent parler du projet. Emballés par l’idée, ils décident de soutenir la nouvelle association, fraîchement créée pour la construction du Graoully. « Moi, je leur avais dit de toute façon, je le ferai, je ne sais pas comment, mais je le ferai », confie Lulu.
Dès septembre 2023, une vingtaine de personnes se mettent au travail pour concevoir et réaliser le dragon mécanisé, dans le secret, cachées par des toiles à Bliiida.
Un dragon unique en son genre
Inspiré par les machines mécaniques de Nantes, ce Graoully ne « boxe pas dans la même dimension », au vu de l’écart de moyens entre les deux projets, mais ses concepteurs ne manquent pas d’ambition. Partant de zéro, les ingénieurs de La Machine à Lulu ont redoublé d’imagination pour créer une machine capable de se déplacer en autonomie et de faire le show.
« Il y a plein de trucs dans ce Graoully. Un châssis en ferraille, avec un pont de 4×4 Patrol à l’arrière et une fourche de moto à l’avant », détaille le président de l’association. Le plus grand défi a été de trouver des composants solides, peu coûteux, mais surtout pas trop lourds pour assurer l’équilibre de l’ensemble. « C’était complexe, surtout au niveau de la tête », précise Gérard BERTRAND.
Le Graoully mécanisé est conçu pour être facilement démontable et transportable. Mardi après-midi, les membres de La Machine à Lulu ont rangé le dragon dans son antre. Pour l’occasion, le monstre avançait sans sa tête, transportée sur palette, et sans sa queue.
Les photos de manœuvres sont visibles ici (cliquez sur les images pour les agrandir) :









Stéphane FAVIER, artiste plasticien, a travaillé sur tout l’aspect esthétique du Graoully, en s’inspirant des représentations du dragon dans le folklore. « Si j’avais fait ça moi-même, il ressemblerait à un tank », plaisante Lulu.
Le dragon doit en mettre plein les yeux et les oreilles. Sa tête est capable de s’ouvrir et de bouger, tandis que des cris monstrueux émanent de la créature. « Il y a 100 watts de son et un sampler avec des bruits du Graoully », indique-t-il.
L’intérieur peut contenir 2 à 3 personnes : le pilote, qui s’assure en priorité d’avancer en sécurité, et un marionnettiste, qui se focalise sur les mouvements de tête et les sons.
Le 14 juillet, une journée riche en émotions
Le dragon a failli faire une sortie en amont du 14 juillet, avec une grande première tout d’abord envisagée pour le passage de la flamme olympique à Metz, le 27 juin. Finalement, la décision de reporter le dévoilement à la fête nationale a été bénéfique pour l’association. « Ça nous a donné 15 jours de plus pour mettre les choses à plat » explique Lulu.
Le jour J, les équipes ont su s’adapter et répondre aux petits défis techniques qui ont émaillé le parcours. Pour garder le secret, le Graoully n’avait, jusqu’au moment fatidique, pas pu se confronter aux pentes raides du centre-ville. Le dragon a su braver les imprévus pour arriver à destination à l’heure et s’offrir un bain de foule.
Retrouvez le ici en vidéo :
De la place de la comédie à la place d’Armes, les Messins étaient venus en nombre pour voir le dragon. Loin d’être effrayés, les spectateurs acclamaient le Graoully. Le temps était à la fête dans les rues, mais dans le véhicule les conducteurs étaient concentrés sur leur mission. « Quand on y était, on n’a pas vraiment pris le temps d’apprécier. Il y a tellement de choses à gérer en même temps, faire gaffe à ci et penser à ça » précise Gérard Bertrand.
« En voyant les photos après, je me suis trouvé beau dans le Graoully, je me suis aimé encore plus qu’avant », blague Lulu. « On peut être fiers de ce qu’on a fait » ajoute-il, gardant son large sourire.
L’équipe technique a encore la tête pleine de projet. S’ils vont se pencher sur les aspects techniques à améliorer et les ajouts possibles sur le dragon dans quelques temps, ils vont maintenant s’accorder un repos bien mérité. Le dragon lui aussi se hibernera dans son antre avant des futurs sorties qui sont d’ores et déjà en discussion. Ce n’est donc pas la dernière fois que le Graoully sortira de sa tanière.