Politique & social

1er tour des municipales 2020 à Metz : analyse des résultats

Le sondage à J-40 avait vu juste, mais tout de même un peu trouble. Si, globalement en haut de tableau, la hiérarchie attendue a été respectée, le pourcentage final de répartition des voix a par contre montré des écarts avec les prévisions, dont deux en particulier, assez spectaculaires au sein des résultats du 1er tour des municipales à Metz.

Voici le résumé et l’analyse des résultats, ainsi que les photos de la soirée électorale en Mairie et en Préfecture, d’un 1er tour de scrutin qui aura été marqué par le Coronavirus, une abstention record, et un doute sur la possibilité d’organiser le second tour dimanche prochain.

L’abstention qui aura selon certains, joué un rôle trop important dans ce premier tour. Nul ne sait cependant à ce stade, dans quelle mesure les candidats auraient été impactés de façon différenciée, où si cette abstention s’est peu ou prou « lissée » sur l’électorat de chacun d’entre eux.

Le chef de l’Etat prendra la parole ce lundi 16 mars, et l’on en saura alors un peu plus à ce sujet… ou pas.

« Trois mondes » bien différents proposés aux messins au second tour

S’il est maintenu, ou si les résultats du premier tour ne sont pas entièrement remis en cause en cas de report, le second tour étalera aux yeux des messins un choix parmi trois projet de ville (et de vie) bien différents.

C’est en effet trois personnalités de Maire très distinctes, supportées par des équipes au profil bien marqué, et trois programmes marquant, presque, trois « temps » différents, trois « mondes » ; un point de vue partagé par beaucoup d’observateurs. Sur la table donc, l’offre « traditionnelle » de l’extrême-droite proposée par Françoise GROLET, celle de droite tirant vers le centre, sorte de rupture dans la continuité proposée par François GROSDIDIER qui s’ancre aussi sur Jean-Marie RAUSCH, et enfin celle d’un avenir à réinventer et à concrétiser touchant à la fois à gauche, mais aussi sur le spectre électoral très large de l’écologie, proposée par Xavier BOUVET.

Parmi ces trois listes candidates, deux se détachent clairement pour le 2nd tour (François GROSDIDIER et Xavier BOUVET) au regard du report naturel des voix, et avant même tout signal ou avis qui serait donné par l’un(e) ou l’autre des candidats restés sous la barre des 10%. Pour ceux qui ont obtenu entre 5 et 10%, une fusion est possible, engageant des réorganisations dans les listes, et parfois des inflexions ou des rajouts dans les programmes. Au total, les candidats malheureux du 1er tour se partagent plus de 33% des voix exprimées. Largement de quoi faire basculer cette élection d’un côté comme de l’autre, même si un certain nombre d’éléments permet d’affiner l’analyse des potentiels.

François GROSDIDIER, stable

F. Grosdidier en préfecture ce 15 mars 2020 après l’annonce des résultats

Au soir du 1er scrutin des municipales 2020 à Metz, c’est donc bel et bien François GROSDIDIER (candidat Les Républicains, liste Utile pour Metz) qui est arrivé en tête. Le sondage lui attribuait 29% des votes, son score réel est de 29,76% des voix exprimées, confirmant le résultat attendu plus d’un mois avant le scrutin, mais aussi le peu d’effet de sa fin de campagne sur la dynamique des votes, du moins si l’on s’en tient à la comparaison des deux pourcentages.

Peinant à effacer du jeu de la campagne les affaires judiciaires pour lesquelles il a été condamné et celles où il attend un jugement, désigné comme « le candidat de Woippy » parachuté et opportuniste de façon systématique par la plupart de ses concurrents, la rigueur de sa campagne aura résisté à un affaissement des voix. La structure de sa liste, constituée avec une précision chirurgicale, aura réussi à rassurer, et permis de voir affleurer un électorat stable qu’il a néanmoins été difficile d’élargir dans une offre à 10 candidats, si l’on tient compte des résultats du sondage. Ceci étant dit, en finissant en tête au premier tour, François GROSDIDIER est incontestablement l’un des deux favoris de cette élection.

Sa réserve de voix potentielle se situerait en théorie plutôt du côté d’Emmanuel LEBEAU classé divers droite, et en partie de Jérémy ALDRIN et de Richard LIOGER. Ceci étant dit, ces candidats ont clairement marqué une nette différence avec François GROSDIDIER, sur les thèmes de la probité notamment, mais aussi dans les propos et les argumentaires ciblant directement l’ancien maire de Woippy et son programme. L’ensemble, sous cet angle, pourrait donc sembler assez maigre en apport de voix, et la partie bien loin d’être gagnée d’avance. S’il veut gagner, François GROSDIDIER doit espérer que, dans la configuration du 2nd tour, ce soit réellement le projet qui guide le vote, et que celui qu’il propose arrive, en plus, à convaincre des citoyens en masse face aux projets des deux autres candidats encore en lice.

Xavier BOUVET, en nette progression

X. Bouvet dans son local de campagne avec son équipe avant les résultats définitifs

Second avec 24,98%, Xavier BOUVET (Unis pour Metz) affiche une très nette progression par rapport aux 20% qui lui étaient attribués au sondage et qui en laissait certains incrédules, un tour de force. Quasi-inconnu il y a un an encore, le candidat écologiste a réussi à créer une dynamique efficace, via un travail de terrain considérable effectué pendant des mois, qui a amplifié la notoriété de son programme et de sa liste au cours des 30 derniers jours.

Rassemblant large dans l’électorat de gauche et du centre gauche et auprès des (autres) messins qui considèrent que le mandat de Dominique GROS n’aura pas été une catastrophe, Xavier BOUVET bénéficie aussi du soutien de la quasi-totalité des partis et mouvements écologistes et de leurs militants, ce que n’ont probablement pas manqué de noter les électeurs désormais bien plus sensibles à l’environnement, mais bien moins au grand verdissement très récent des autres candidats. Question cohérence sur le projet écologique, les partis « verts » font référence depuis des décennies, conférant une légitimité à Xavier BOUVET et à sa liste, qui ont décliné les concepts à la ville de façon pragmatique, y compris sur le développement économique, dans leur programme. Les familles et les associations, autres pierres d’angle du projet, auront aussi parlé à l’électorat de gauche et du centre. Dans la perspective du second tour, Xavier BOUVET est lui aussi l’un des favoris, qui devra rassembler au centre sans perdre ses appuis actuels.

Côté réserve de voix potentielle, en raison de la proximité des éléments de programme et des sensibilités politiques, Xavier BOUVET peut espérer rassembler large, avec les électeurs centristes de Richard LIOGER, ceux sensibles à l’écologie de Béatrice AGAMENNONE, et les sensibilités de gauche des électeurs de Thomas SCUDERI et de Jean-Hugues NYALENDO. Sur bon nombre de points, la proximité avec Jérémy ALDRIN est également avérée, reste à savoir si son électorat, plutôt de centre droit, préférera le choix de la sensibilité de droite, ou celui du renouvellement des représentants politiques qu’il incarne de ce côté de l’échiquier. Xavier BOUVET peut donc en toute logique s’attendre à voir converger vers sa liste plusieurs types d’électorats, qui s’intéresseront peut-être plus au contenu de son programme.

Françoise GROLET, en chute libre

F. GROLET, en campagne

La grosse surprise vient du résultat de Françoise GROLET (Le Bon Sens pour Metz). Attendue par le sondage à 18%, elle n’atteint que 11,79%. Par rapport au 1er tour des municipales de 2014, elle perd près de 10 points, alors qu’elle espérait tout l’inverse. Difficile de savoir exactement quelle part attribuer aux arguments expliquant cette chute vertigineuse. En rendant son discours plus « doux » et finalement « classique et acceptable » pour élargir la base de son électorat (correspondant à la stratégie de dédiabolisation du parti de Marine LEPEN), Françoise GROLET aura peut-être perturbé une partie de la base des électeurs naturels d’extrême-droite, d’habitude très mobilisés. Autre raison possible, le choix de ne se concentrer en fin de campagne, que sur deux tranches d’âge d’électeurs, une approche mathématique bien plus proche du calcul politique, que d’une volonté de s’adresser à tous les électeurs. Troisième raison enfin, un programme qui n’aura jamais été une seule fois étayé par des chiffres ou des indications d’arbitrage budgétaire, et ce malgré des questions posées à répétition en conférence de presse. « Quand il y a du flou, il y a un loup », disait elle-même la candidate en campagne, qui aura quelque peu brouillé son image et ses intentions dans l’orientation de sa politique.

Côté réserve de voix, il semble difficile de parier sur une victoire au 2nd tour pour Françoise GROLET. Seul Christian BEMER se situait dans la même catégorie de sensibilité de vote. En annonçant son soutien à Françoise GROLET quelques jours avant le scrutin (lui-même n’ayant pu se présenter), les quelques électeurs du candidat auront déjà suivi le conseil, si tant est que franchir le pas vers le Rassemblement National leur paraissait acceptable. 

Richard LIOGER et Béatrice AGAMENNONE, un partage perdant

R. Lioger constate les scores du 1er tour en préfecture

C’est la 3ème surprise des résultats de ce 1er tour, même si, finalement, l’ordre d’arrivée est respecté. Attendu à 11% dans le sondage et donc potentiellement arbitre du 2nd tour où il aurait pu se maintenir, le député Richard LIOGER (Metz au coeur) a dévissé lors du 1er scrutin, en recueillant seulement 7,2% des voix. Une grosse déconvenue pour celui qui a passé les douze dernières années à gérer l’urbanisme de la ville de Metz.

Il est talonné par son ancienne collègue de LREM, Béatrice AGAMENNONE (Energies pour Metz) qui totalise quant à elle 6,19% des voix, alors qu’attendue à 3% un mois avant. 

B. Agamennone en préfecture ce 15/03/2020

Touché visiblement par le résultat du sondage, tant humainement que dans la dynamique de sa campagne rassemblant pourtant des soutiens très actifs, alignant les soutiens ministériels sans en retirer les fruits bien au contraire, Richard LIOGER s’est finalement partagé les voix de la majorité présidentielle avec Béatrice AGAMENNONE, dont les propos plus axés sur l’environnement ont comblé un gros retard de notoriété, et qui aura réussi à réunir une partie des votes LREM. Béatrice AGAMENNONE affiche ainsi une vraie progression tout en ayant réussi à rester à peu près en dehors de la mêlée.

Rassemblés d’une façon ou d’une autre (tel que cela aurait dû être le cas en théorie), ces deux-là auraient pu disposer d’une toute autre dynamique avant le 1er tour, et peut-être jouer sérieusement les trublions au soir du 1er scrutin, avec, qui sait, plus que les 13,33% des voix qui leur ont été données par les électeurs dimanche si l’on reste sur une point de vue purement mathématique, c’est à dire en 3ème position avec les chiffres à notre disposition au lendemain du scrutin.

Thomas SCUDERI, Jérémy ALDRIN et Emmanuel LEBEAU dans un mouchoir de poche

Thomas SCUDERI (6,14%), Jérémy ALDRIN (5,6%) et Emmanuel LEBEAU (4,94%) se tiennent dans un mouchoir de poche autour des « fameux » 5%. A quelques voix près, Emmanuel LEBEAU aurait ainsi pu rembourser ses frais de campagne. Sauf invalidation du 1er scrutin, ce ne sera pas le cas. Ces trois-là peuvent aussi jouer un rôle important dans le score final du 2nd tour.


T. Scuderi à l’annonce de sa candidature

Si l’on s’en tient à la relecture du sondage de février, Thomas SCUDERI n’aura donc pas progressé. Traînant avec lui comme un boulet l’incompréhension des électeurs naturels du PS sur son élection interne initiale, suivie du rejet par des membres locaux et nationaux de poids de ce même parti, marquant très tôt une ligne rouge avec les électeurs LREM et se privant ainsi de leur vote en leur indiquant la porte de sortie, rejetant aussi très rapidement UNIS et ses électeurs de gauche avec pour conséquence un effet similaire, et enfin, jetant de la confusion sur sa communication lors de l’intégration des membres du collectif d’extrême gauche « Faisons tomber les murs », d’abord claironnée, avant d’être presque élidée dans les propos du candidat souhaitant afficher un front large à l’approche de la dernière ligne droite. Cloisonné par ses choix, et par conséquent inaudible lorsqu’il tenta d’effacer les frontières politiques en égrainant les individualités disparates de sa liste, cette stratégie aura probablement limité la porosité avec un électorat compatible.

Après deux mandats passés à travailler pour les citoyens dans la majorité de Dominique GROS, le coup est dur, mais le résultat n’est pas inexplicable. Thomas SCUDERI aura dépensé une énergie folle dans cette campagne, sans réussir à trouver la dynamique pouvant le porter au second tour. Malgré cela, beaucoup on vu dans son programme de bonnes idées, parfaitement solubles dans celui d’autres candidats avec qui le dialogue a été rompu bien trop tôt.

J. Aldrin à l’annonce de sa candidature

Bien que « bénéficiaire » eu égard au sondage en gagnant 2% face à la théorie, Jérémy ALDRIN aura lui aussi échoué à rassembler aussi large que prévu par sa « recentrisation ». Brandissant très tôt et très haut une proposition incomprise (celle du « métro »), il a effacé en partie le fond du sujet de son programme aux yeux des électeurs demandeurs d’un renouvellement à droite.

En cumulant les appels du pied vis-à-vis de plusieurs autres candidats au fil de la campagne, une stratégie risquée, Jérémy ALDRIN avait bien compris que c’est dans l’unité que se serait forgé un second tour laissant tous les scénarios ouverts. La mayonnaise n’a pas vraiment pris, chaque candidat souhaitant au final jouer sa propre partition pour le 1er tour, mais au final Jérémy ALDRIN aura su tirer son épingle du jeu côté résultats.

E. Lebeau lors d’une conférence de presse de campagne

Emmanuel LEBEAU a plus que doublé son score dans les urnes par rapport au sondage, en passant de 2 à 4,94%. C’est moins qu’en 2008, où il avait rassemblé 5,63% des voix au 1er tour face à Dominique GROS,  Jean-marie RAUSCH, Nathalie GRIESBECK et Marie-Jo-ZIMMERMANN. Il jouera la carte du rassemblement avec cette dernière en 2014 en échouant avec cette liste à moins de 800 voix.

Emmanuel LEBEAU avait pourtant mis le paquet en 2020, marquant une véritable progression sur l’approche de campagne, nettement moins gérée « en amateur » que 12 ans auparavant. Le travail était visible, la stratégie globale posée, et comme toujours la réactivité face aux événements pour gagner en visibilité assez efficace.

Le candidat a peut-être souffert de l’image même qu’il a construit depuis des années et brandi pendant cette campagne : celle du candidat d’opposition tonitruant, titilleur de la virgule, et arcbouté sur l’interprétation des chiffres. Il s’est peut-être enfermé dans ce personnage qui lui colle désormais aux basques, oubliant peut-être aussi que, pour beaucoup, la politique, ce n’est pas qu’un exercice comptable.

L’extrême gauche rassemble moins de 750 voix

En queue de peloton, Jean-Hugues NYALENDO (2,30%) et Mario RINALDI (1,14%) n’auront que très peu réussi à convaincre en dehors du cercle direct de leurs militants respectifs, à savoir La France Insoumise avec NPA et les Gilets Jaunes pour JH. Nyalendo, et Lutte Ouvrière pour M. Rinaldi.

JH. NYALENDO

Jean-Hugues NYALENDO a entamé de façon tardive une campagne incomplète sur les thèmes essentiels, trop rattachée aux enjeux nationaux et pas assez aux problématiques locales, aux quartiers.

Bien qu’insuffisant, il aura néanmoins produit un effort considérable pour rattacher en un minimum de temps le point de vue national aux réalités messines, assumant même l’imperfection, reconnaissant honnêtement les succès de Dominique GROS ou sa méconnaissance de certains dossiers, c’est assez rare pour être souligné, même si c’est un argument à double tranchant quand on veut convaincre.

M. Rinaldi

Mario RINALDI a souffert des mêmes problèmes, en étant encore moins ancré dans les problématiques de la ville que son concurrent LFi.

Premier à avoir déposé sa liste sans en faire publicité, très peu exposé médiatiquement où dans les quartiers de par ses propres choix, le candidat LO aura aussi souffert d’un discours tournant trop en boucle, même si l’objectif de porter ainsi la voix des travailleurs était parfaitement assumé. L’effet de vase clos aura peu convaincu les électeurs.

Les photos de la soirée électorale

Merci à Thierry HAUUY pour ces clichés réalisés tout au long de la soirée du Dimanche 15 mars 2020.

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