Politique & social

François GROSDIDIER renvoyé au tribunal correctionnel pour détournement de fonds publics

À moins de 3 mois des élections municipales de mars 2026, l’actualité judiciaire rattrape une nouvelle fois François GROSDIDIER, maire de Metz et président de l’Eurométropole. L’élu est effectivement renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour des faits présumés de détournement de fonds publics, remontant à la période où il était maire de la commune de Woippy, entre 2010 et 2016.

L’affaire n’est pas nouvelle, mais elle connaît en cette fin d’année 2025 un rebondissement important car François GROSDIDIER avait bénéficié d’un non-lieu en décembre 2024. Saisie par l’association anticorruption Anticor, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel de ce volet de l’affaire après l’étude du dossier.

En réaction, François GROSDIDIER s’est pourvu en cassation. Il évoque la prescription des faits, et conteste toute intention pénale, parlant d’« erreurs administratives », d’ailleurs partagées avec la préfecture.

Un financement potentiellement indu au cœur du dossier

Au centre de cette affaire se trouve le recrutement et la rémunération de collaborateurs municipaux. Selon Anticor, François GROSDIDIER aurait fait rémunérer illégalement un second collaborateur de cabinet alors qu’il n’y était pas autorisé. En cause, le seuil démographique fixé par la loi : seuls les maires de communes de plus de 20 000 habitants peuvent bénéficier de ce dispositif. Or, à l’époque des faits, Woippy se situait largement en dessous de ce seuil selon les chiffres officiels de l’Insee. François GROSDIDIER donne lui-même le chiffre de 14.000 habitants.

Mais l’ancien maire de Woippy parle du « droit de compter double la population issue de QPV » qui permettait d’atteindre le seuil (il s’agit d’un régime dérogatoire), alors que l’accusation estime que la population de la commune aurait été artificiellement « gonflée » pour contourner cette limite, permettant ainsi le versement de salaires indus. Des dizaines de milliers d’euros de fonds municipaux auraient ainsi été engagés à tort. La loi conditionne le nombre de collaborateurs de cabinet à des seuils démographiques précis, dont l’interprétation fait ici débat.

Ces éléments s’appuient notamment sur un rapport de la chambre régionale des comptes du Grand Est, établi en novembre 2016, qui pointait déjà des irrégularités financières dans la gestion de la commune. La CRC y signalait en outre qu’aucun arrêté préfectoral n’avait permis d’entériner cette interprétation du nombre d’habitants, sans pour autant saisir la justice, contrairement à Anticor avec qui François GROSDIDIER présente un historique de conflits ouvert, et notamment avec l’un de ses représentants.

Cassation, stratégies judiciaires et axes de communication

Il y avait deux volets dans l’affaire. La chambre de l’instruction a confirmé le non-lieu concernant le délit de favoritisme dans ce dossier, mais a ordonné la tenue d’un procès sur le volet du détournement de fonds publics.

Pour justifier ce renvoi, la chambre de l’instruction a estimé que l’élu « ne pouvait pas ignorer » le caractère illégal des faits reprochés, un point central lié à l’intention de faire malgré tout.

Une décision contestée par François GROSDIDIER, qui s’est pourvu en cassation et invoque la prescription des faits. Le président de la métropole décrit des « erreurs administratives » partagées avec la préfecture et ne constituant pas des infractions pénales. Cette stratégie sémantique et juridique, déjà utilisée pour ses condamnations précédentes (lire plus bas), décrit le fait pénal comme une sorte de dysfonctionnement bureaucratique. Au centre de son argumentaire l’élu insiste aussi sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un enrichissement personnel, un élément qui n’est pas au cœur de l’accusation, celle-ci contestant l’illégalité des pratiques.

Du côté d’Anticor, on estime aussi que ce pourvoi en cassation vise surtout à « retarder l’issue du dossier » dans un contexte politique sensible, à l’approche d’un scrutin municipal où François GROSDIDIER est candidat à sa réélection à Metz. A côté de la bataille judiciaire, c’est donc aussi une bataille de la communication et de l’opinion qui se joue. Une bataille que nous avons demandé à Marc P., un avocat pénaliste de nous décrypter sous l’angle judiciaire :

« La ligne de défense de François GROSDIDIER repose sur trois piliers : dépolitiser le pénal pour regarder l’infraction sous le seul prisme administratif en évoquant des torts partagés, fragmenter les affaires pour éviter une lecture globale de son parcours judiciaire, et enfin temporaliser le débat pour miser sur l’usure, la durée des instructions de dossier et la proximité d’une échéance électorale pour laquelle l’affaire pourrait lui nuire, étape avec laquelle il évoque un lien de cause à effet.

Face à lui, l’accusation tente de son côté de réintroduire l’intention, la conscience et la responsabilité personnelle, notions centrales du point de vue juridique, mais plus difficiles à faire passer dans le débat public. L’enjeu final au stade actuel est donc moins la qualification pénale que la bataille du récit, et donc de la crédibilité, à l’approche des municipales de 2026.

L’accusation cherche à interpeller sur l’illégalité potentielle de certaines décisions de François GROSDIDIER et à questionner l’opinion sur sa volonté de l’élire malgré cela, l’élu cherche de son côté à rendre ces condamnations à la fois techniques, secondaires et toujours sujettes à interprétation bien qu’une partie ait été jugée en sa défaveur. On parle donc bien d’une dimension liée à la communication, où l’agenda est un élément central de l’équation. »

Et d’ajouter : « Ce qui pourrait peser dans la balance, c’est la récurrence : trois condamnations distinctes, sur des périodes et des mandats différents, et une nouvelle procédure encore en cours [NDLR : de février 2023, lire plus bas]. C’est cet élément cumulatif qui pourrait peser autant juridiquement, c’est-à-dire vis-à-vis de l’appréciation de l’intention par la justice, que politiquement, à l’approche des élections municipales de 2026 du côté de la perception des électeurs. Pour sa défense face à l’opinion, François GROSDIDIER ne semble pas cacher l’intention mais il livre simplement une autre lecture des faits, et se décrit comme étant victime de harcèlement judiciaire. en liaison avec la proximité d’une échéance électorale qui le concerne ».

Si la Cour de cassation rejette son pourvoi, l’actuel maire de Metz devra comparaître devant le Tribunal correctionnel de Paris dans un calendrier qui pourrait se télescoper avec la campagne municipale qu’il a déclaré ne pas encore avoir débuté pour ce qui le concerne. Une situation délicate, où justice et politique avancent désormais à pas comptés.

Condamné plusieurs fois, mais jamais pour enrichissement personnel

Cette nouvelle affaire s’inscrit dans un contexte judiciaire déjà existant pour l’élu messin comme il le rappelle lui-même dans une vidéo qu’il a publiée sur sa page Facebook le 20 décembre 2025. Des condamnations que François GROSDIDIER décrit comme s’étant toujours terminées « en eau de boudin » dans cette même vidéo.

Condamné en 2014 pour diffamation, puis en 2015 pour détournement de biens publics dans le cadre de l’utilisation fréquente d’un véhicule de fonction de Woippy pour des déplacements vers Paris (il était alors député), François GROSDIDIER a également été condamné en février 2023 en première instance (il a fait appel) pour prise illégale d’intérêts, après avoir attribué une subvention de 160.000€ issue de sa réserve parlementaire à une association qu’il présidait lui-même.

S’agissant de l’affaire de détournement de fonds publics dont il est question en ce mois de décembre 2025, si elle avait fait l’objet d’un non-lieu (partiellement confirmé donc, mais uniquement pour le motif de délit de favoritisme), ce renvoi en appel constitue la deuxième affaire encore en cours pour l’actuel président de la métropole.

A l’échelle française, ces affaires judiciaires s’inscrivent dans une catégorie « classique » de contentieux pénal des élus locaux qui touchent à l’utilisation des moyens publics, aux règles de subventions et à la gestion des collaborateurs. Les infractions qui sont reprochées à l’actuel maire de Metz ou pour lesquelles il a déjà été condamné relèvent de conflits d’intérêts, de la mauvaise utilisation de fonds publics et de contournements de règles administratives, qui peuvent être perçus comme étant plus ou moins intentionnels. François GROSDIDIER a ainsi été sanctionné par la justice pour son exercice du pouvoir, et pas pour enrichissement personnel massif, fraude fiscale ou blanchiment, condamnations dont l’élu n’a jamais fait l’objet.

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