La ville de Metz va participer au financement de la construction de la Grande Mosquée de Metz. La subvention a été votée ce lundi 15 juillet 2024 lors du conseil municipal. La ville participera, à hauteur d’un montant maximum de 490 000 euros, aux « dépenses relatives au clos couvert du projet » chiffrées à 5 millions d’euros TTC au total, soit 9,8% du coût global de cette partie.
Le coût total de la Grande Mosquée, dont les travaux ont commencé en 2021, est quant à lui évalué à 15,7 millions d’euros, une somme jusqu’ici financée par des dons.

Le maire de Metz, François GROSDIDIER, revient donc sur l’engagement de la municipalité précédente. En effet, Dominique GROS avait en 2013 affirmé que la ville ne participerait pas au financement de l’édifice, mais avait ouvert la voie au projet en mettant à disposition le terrain destiné à accueillir le bâtiment dans le cadre d’un bail emphytéotique d’une durée de 99 ans contre une redevance annuelle de 15€ à la structure inter-associative UCAM (Union des Associations Cultuelles et Culturelles des Musulmans de Metz). La valeur de l’économie sur un loyer de ce type avait fixé ce soutien initial à 300 000 € sur l’intégralité du bail.
Le 08 mars 2024, une subvention a été demandée au maire par Mohamed Hicham JOUDAT, président de l’association de la Grande Mosquée de Metz désormais porteuse du projet. Dans ce document, le président indique que
« La construction de l’édifice offrirait un lieu digne et approprié aux fidèles, [contribuerait à] concourir à la cohésion sociale [et à] créer de la valeur ajoutée pour notre ville et notre région. »
Mohamed Hicham JOUDAT, président de l’association de la Grande Mosquée de Metz, dans son courrier de demande de subvention
Le vote de ce 15 juillet en conseil municipal inclut non seulement la subvention mais également la modification du bail d’origine qui à l’origine avait écarté tout financement par la ville. L’UCAM, aujourd’hui renommée « Grande Mosquée de Metz, centre cultuel », souhaite un bâtiment cultuel, culturel et économique, avec une structure accueillant aussi des commerces et même un musée. Pour la majorité, ce projet multi-facette justifie de revoir le bail d’origine afin d’être en mesure de voter cette aide.
Du côté de la majorité, on assure que cette subvention à vocation sera la seule et l’unique concernant la construction de la Grande Mosquée et rejette toute idée de laxisme. C’est Amandine LAVEAU ZIMMERLÉ conseillère de la majorité qui le promet.
Une subvention qui fait débat, y compris dans la majorité
L’Alsace-Moselle, sous Concordat de 1801 (jamais aboli) reconnaît et subventionne officiellement quatre cultes pour l’exercice de leur mission : catholique, protestant luthérien, protestant réformé et israélite. Les associations d’autres cultes (bouddhistes, orthodoxes, musulmans, etc.) se structurent en « associations inscrites de droit local à objet cultuel », et les collectivités locales peuvent, si elles le désirent, mais sans obligations, participer au financement des édifices religieux. La subvention de la ville à ce projet s’inscrirait donc dans un cadre parfaitement légal.
Cette association a adhéré à la « Charte des Principes pour l’Islam de France », préconisée par le Ministère de l’Intérieur. La charte comprend 10 articles et déclare qu’« qu’aucune conviction religieuse ne peut être invoquée pour se soustraire aux obligations des citoyens». Elle affirme: « Ni nos convictions religieuses ni toute autre raison ne sauraient supplanter les principes qui fondent le droit et la Constitution de la République. »
Projet de délibération de la ville de Metz sur le programme d’investissement 2024 – Édifices cultuels
Le financement de la Grande Mosquée rencontre tout de même des oppositions. Durant le conseil municipal Grégoire LALOUX, conseiller municipal (Rassemblement National) s’est montré indigné par ce « demi-million » de dépenses que souhaite réaliser la majorité.
Après nous avoir expliqué que les caisses étaient vides et augmenté les impôts […] vous arrivez aujourd’hui avec cette somme. C’est un projet qui, au vu des factures des Messins et de l’insécurité qui flambe, n’est pas essentiel.
Il se murmure également qu’un chef d’Etat étranger aurait apporté sa contribution. Il faut avoir une exigence de transparence.
Grégoire LALOUX, conseilleur municipal RN
Le conseiller municipal d’extrême droite dénonce ainsi une « opération communautariste » du maire de Metz, « une forme de clientélisme ». Il évoque sa position à notre micro :
Du côté de l’opposition de gauche, certains se prononcent très clairement en faveur de cette subvention décrite comme « une mesure juste et équitable » par plusieurs conseillers municipaux UNIS pour Metz.
Les musulmans paient des impôts locaux et financent les bâtiments concordataires. Comment ne pas comprendre leur demande qui est une simple mesure de justice et d’égalité de traitement de la part de notre collectivité.
Jérémy ROQUES, conseiller municipal (UNIS pour Metz)
La conseillère municipale Charlotte PICARD (Unis pour Metz), a elle-aussi indiqué être en faveur d’une aide à la construction de la Grande Mosquée, mais souhaitait qu’en contrepartie, la ville puisse entrer au conseil d’administration de l’association, avec comme vocation d’assurer le respect de tous et la concorde. Dans sa réponse, le maire a indiqué qu’il verrait pour « peut-être a voir un siège d’observateur ».
Pierre LAURENT, également conseiller municipal affilié au groupe Unis pour Metz, a défendu une position sensiblement différente. L’élu réclamait l’abrogation du concordat en Moselle et exhortait à ne pas tomber « dans la spirale du financement direct », refusant de financer aussi bien la Grande Mosquée que les projets des autres cultes.
Jérémy ROQUES détaille sa position et évoque les différences de point de vue qui existent au sein de la gauche à Metz :
Au moment du vote, on notera 4 abstentions parmi les conseillers d’opposition UNIS sur ce point, celles des courants PCF et LFi du groupe UNIS, opposés au financement de tout lieu de culte quel qu’il soit.
Des divisions sont enfin à noter dans les rangs de la majorité. Ainsi, mis à part ceux déjà partis en vacances, plusieurs conseillers municipaux n’étaient pas présents lors des échanges, certains ayant même, a priori, quitté la salle avant le début du point, à l’image d’Eric LUCAS, adjoint aux finances de la ville de Metz.
Rachel BURGY, adjointe au maire, se félicite du vote et fait le point sur les divergences d’opinions au sein de la majorité :
Pointées du doigt par l’opposition ces absences démontreraient le désaccord au sein de la majorité municipale sur ce financement. Un point qui n’a pas été démenti par le maire, reconnaissant des différences de point de vue au sein même de son équipe sur le sujet.

L’inquiétude sur le financement de la Grande Mosquée n’est pas uniquement portée par des forces politiques. L’Union des familles laïques de Moselle (UFAL 57) a récemment mis en demeure l’association gestionnaire de la Grande Mosquée, en lui enjoignant de publier ses comptes administratifs pour 2022-2023.
L’UFAL a même saisi le Tribunal Judiciaire de Metz le 9 juillet dernier afin de « vérifier si la Grande Mosquée de Metz a bien rempli les obligations des articles 79-X et 79-XI du code civil local qui découlent de la loi dite sur le séparatisme ». L’association « Grande Mosquée de Metz, centre cultuel » a depuis demandé un renvoi d’audience, ce qui repousse les démarches au mois d’août.
Ils ne veulent pas communiquer les documents que la loi les oblige à déposer. Les documents étudiés en commission ne sont pas certifiés. Une décision est prise sur la base de chiffres qui n’ont pas été vérifiés. L’association reçoit énormément de dons, des montants significatifs. On a une position de principe. C’est bien qu’il y ait une grande mosquée et qu’ils puissent prier dans un lieu décent. Ils doivent déposer leurs comptes comme le demande le droit local.
Matthieu GATIPON-BACHETTE président de l’UFAL de Metz
« Ce procès est à la fois discriminatoire et indigne » a réagi le maire de Metz, et d’ajouter qu’ « il n’appartient pas à une association anticléricale de demander qui donne à l’une ou l’autre religion ».
La subvention a été votée lors du conseil. 3 conseillers municipaux du Rassemblement national s’y sont opposés, tandis que 4 conseillers municipaux Unis pour Metz ont décidé de s’abstenir. Les élus de la majorité qui s’opposaient au texte, leur nombre exact étant difficile à définir exactement, étaient absents au moment du vote.