A l’heure où les mobilités décarbonées sont au cœur de l’actualité environnementale et des nécessités d’une nouvelle offre pour les déplacements, de nombreux élus locaux se sont retrouvés devant la gare de Bouzonville (fermée depuis 2016) pour réaffirmer leur exigence quant au retour des trains de voyageurs sur l’axe Sarrebruck – Thionville via le bouzonvillois.
L’initiative a été organisée par Patrick WEITEN après que le ministre luxembourgeois de la mobilité François BAUSCH se soit exprimé le 26 janvier dernier chez nos confrères de la Saarländischer Rundfunk (SR, le service public de presse audiovisuelle du land de Sarre, interview en langue allemande) au sujet des lignes ferroviaires permettant de relier Sarrebruck à Luxembourg, sujet sur lequel la SR indique qu’une rencontre avec la ministre des Transports du land de Sarre serait prévue en mars prochain avec son collègue luxembourgeois.
Pour résumer ses propos, François BAUSCH verrait bien un renforcement de ces liaisons en direct via Metz. Cela nécessiterait une modernisation de la ligne, mais cela serait, selon lui, préférable à la solution de relier le land de Sarre au Luxembourg via Bouzonville et Thionville. Les deux lignes ne pourraient pas coexister selon le conseil départemental, qui milite pour le choix du retour de cette dernière.
Sur l’invitation du président du conseil départemental de la Moselle, les maires de la Communauté de Communes Bouzonvillois Trois Frontières (CCB3F) et les élus départementaux ont souhaité, en se réunissant devant la gare de Bouzonville ce 21 février 2023, rappeler que leur connaissance des réalités du terrain et des besoins des habitants prévalaient sur toute autre chose.
La demande s’adressant également à l’Etat français, à la région et à la SNCF sollicités sur le sujet depuis de nombreuses années, le rassemblement visait aussi à faire passer aussi un message aux élus luxembourgeois et allemands en ce qui concerne la politique d’aménagement des territoires ruraux en Moselle qui n’est ni de leur ressort, ni dans leurs radars.
Une sorte de réponse au lobbying des élus des pays voisins dont les velléités ne tiendraient pas compte des besoins de mobilité des habitants de ce territoire de Moselle Est qui compte environ 200.000 personnes dont une partie se retrouve sur l’A31, ni des bénéfices que ces mêmes pays pourraient retirer de la redynamisation de tels territoires de proximité. Patrick WEITEN rappelle le contexte, les nécessités et la volonté des élus locaux à notre micro :
« Rouvrir une gare, c’est un symbole fort de retour à une dynamique »
La phrase est d’Armel CHABANE (maire de Bouzonville, Président de la CCB3F et Vice-Président du conseil départemental de la Moselle) et elle est conçue pour marquer les esprits. Perçu comme un service public de proximité donnant un véritable signal de vitalité ou de dévitalisation, le symbole d’une gare de voyageurs active est tout sauf anecdotique.
Par essence, la fermeture de gares de voyageurs a un impact négatif direct sur les territoires concernés : attractivité économique gelée, départ des jeunes, baisse du nombre de nouveaux habitants, services publics et de santé en décélération (quand ont ne parle pas de désertification), vieillissement de la population, etc… Le terme de dévitalisation n’est pas surfait.
A contrario, la réouverture d’une gare symbolise l’effet totalement inverse, d’autant plus pour un territoire rural situé à une trentaine de minute du Luxembourg en train via Thionville. Pour cela, il faudrait justement que l’axe ferroviaire Sarrebruck – Luxembourg soit réactivé via Bouzonville pour le transport de passagers. De quoi rouvrir la gare, et remettre de la dynamique dans le secteur, qui s’y prépare déjà en lançant par exemple des projets d’espaces de coworking. L’un d’entre eux pourrait même se trouver à l’intérieur ou juste à côté de la gare SNCF de Bouzonville.
Si la ligne ferroviaire passant à Bouzonville est encore active pour le fret de marchandises, les passagers, eux, n’ont pas d’offre et donc d’autre choix que de se reporter sur la voiture, ou sur les quelques bus régionaux interurbains dont les horaires ne sont pas toujours bien adaptés. Armel CHABANE partage sa vision d’une telle mobilité décarbonée de proximité à notre micro :
Une étude pour donner du poids au scénario Sarrebruck – Bouzonville – Thionville – Luxembourg
La région Grand Est, sous l’ère de Jean ROTTNER en 2020, avait déjà indiqué lancer une étude sur le sujet des liaisons intermédiaires rurales. Constatant l’immobilisme des décideurs au niveau de l’Etat et de la SNCF, le Conseil départemental a relancé sa propre analyse du sujet au niveau de la Moselle. Les conclusions devraient être remises aux acteurs concernés au cours du second semestre 2023 alors que le nouveau président de région Franck LEROY a dit s’intéresser au sujet.
A la clé, un argumentaire et un modèle économique viable encapsulé dans une stratégie locale seront ainsi présentés. Dans une logique constructive, l’idée est de permettre aux décideurs de connaître notamment les besoins chiffrés en terme de fréquentation et de demandes des habitants au sujet d’une telle liaison ferroviaire de transport de passagers, mais aussi de constater les effets positifs qu’aurait celle-ci sur ce territoire, alors que les collectivités sont mobilisées pour y apporter leur pierre.
La bataille des élus locaux et départementaux pour cette réouverture n’est pas nouvelle, et de loin. Le sujet a été évoqué avec plusieurs gouvernements et dirigeants de la SNCF successifs. Le manque de réponses illustre bien l’apparente inertie au niveau de l’Etat et les (non)choix de la SNCF parfois incompréhensibles localement. Le processus démontre également le fait que les élus locaux, successifs eux-aussi, sont à la manœuvre pour le territoire et ses habitants, mais que la tâche est ardue alors que l’évidence ne semble pas être partagée.
« Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage (…) » dit la citation de Jacques PREVERT. Ce rassemblement militant des élus de Moselle au chevet de la gare de Bouzonville n’est assurément qu’une étape supplémentaire sur le long chemin du retour des lignes de transports de voyageurs en zone rurale, qui feraient un bien fou autant au moral des habitants et des entreprises locales, qu’à celui des familles cherchant à s’implanter à l’écart des grandes villes.
