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Nouvelle tribune Sud de St Symphorien : un dossier infernal bouclé en 2016 ?

A la base, il s’agit simplement d’augmenter de 5000 places les capacités d’un stade de foot. Mais les « quelques » mètres cube de béton du projet de la tribune Sud du stade St Symphorien de Metz sont au coeur d’un processus stratégique sportif et territorial, qui va bien plus loin que ce que l’on peut imaginer à première vue.

Un dossier complet de la rédaction de Tout-Metz sur le sujet, pour tout comprendre.

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Infernal

L’évolution de la tribune Sud du stade St Symphorien représente aujourd’hui la seule possibilité pour le FC Metz d’élaborer un projet sportif stable au plus haut niveau. Les travaux, eux, ne peuvent pas se faire sans l’aide des collectivités et de l’Etat, alors que les coupes budgétaires font rage de partout.

Certains diront que ces investissements ne sont pas essentiels, et ils n’auront pas forcément tort. Mais d’autres disent que Metz doit à tout prix rester dans la course à la visibilité et à l’attractivité pour, indirectement, pouvoir offrir des services à ses habitants et améliorer cette offre, mais aussi continuer de tenir à bout de bras l’ensemble du bassin mosellan dans cette même bataille.

Si l’on ne freine pas l’érosion, dont une partie est masquée par la perfusion économique des frontaliers, la situation des habitants du territoire va se compliquer et devenir de plus en plus difficile. Voici l’argument de fond des partisans de cette dernière théorie.

De ce fait, la tribune Sud est l’un des bons moyens de maintenir à moindre coût, une existence de la Moselle sur la scène nationale et internationale par le biais de la « marque Metz » et du sport de haut niveau, alors que les territoires sont tous en compétition.

Dilemme, à l’heure où tout le monde cherche à gagner de l’argent et à limiter les dépenses, investir le moindre kopeck dans une enceinte sportive repose sur des choix politiques difficiles à comprendre, basés sur une fuite en avant où le jeu de la surenchère entre les territoires fait la part belle aux grosses écuries, elles même en concurrence ouverte avec les grandes métropoles du monde entier.

« Tout en bas », le citoyen lui, a la sensation de voir des collectivités lui faire les poches en lui disant que c’est pour son bien, justement à cause de cette bataille infernale dont il se passerait, mais qu’il attend de ses élus de mener et de ne pas perdre. On a bien dit infernal.[/note]

Incertitudes du côté de l’Etat

Début 2016, les négociations entre la ville de Metz, actuelle propriétaire du stade St Symphorien, et le Conseil Départemental de la Moselle sensé le récupérer sous son aile, laissaient présager une évolution du dossier de la tribune Sud.

Mais le projet, estimé à 33 millions d’euros, n’est pas encore ficelé. En cause, le manque de certitude sur le tour de table financier. Certaines parties ont en effet confirmé leur participation, mais la réponse d’autres reste incertaine.

Si les travaux ne sont pas entamés avant la fin de l’année 2016, date butoir de l’engagement de l’Etat via le pacte Lorraine, la nouvelle tribune Sud risque de perdre ces 7,5 millions d’euros d’engagement financier, et le projet pourrait être reporté sine die.

Bien qu’étant optimiste, c’est en substance ce qu’à annoncé Patrick Weiten, le président du Conseil Départemental de la Moselle ce lundi 6 juin 2016 :

 

Arlésienne

Cette histoire de tribune Sud se prolonge depuis de nombreuses années. Déjà privé de coupe du monde faute d’un stade aux normes, le FC Metz avait relancé le projet lorsque la France se porta candidate pour organiser l’Euro 2016, celui-là même qui démarrera à la mi-juin. Le but était alors de lancer un projet de grand stade rénové à Metz (cliquez pour lire notre dossier sur le sujet), adossé à des installations actives 7j/7 de type hôtel, espaces de séminaire et de réception, ou encore salle de fitness, toutes payant un loyer.

L'actuelle tribune sud du stade St Symphorien à Metz, la plus petite des quatre, construite en 1976.
L’actuelle tribune sud du stade St Symphorien à Metz, la plus petite des quatre, construite en 1976. Image Google Street View

Face aux souhaits des acteurs économiques d’afficher bien haut un équipement moderne de 35 000 places dont la construction serait financée par la collectivité, le maire de Metz (initialement supporter de l’idée) avait finalement fait machine arrière, et renvoyé son propre parti-pris politique basé pêle-mêle sur de la bonne gestion, un monde du sport dégoulinant d’argent qui n’avait qu’à participer au financement de ses propres infrastructures, et sa préférence pour le sport amateur en termes d’appui financier… le tout sur fond de querelles politiques d’un autre temps, et de contre-arguments basés, eux, sur l’attractivité économique et touristique d’une région lâchée tant de fois par l’Etat.

Pour faire bref, on retiendra que ce projet clivant a opposé les points de vue des politiques, des contribuables et des acteurs économiques, aucun n’étant véritablement erroné, mais aucun n’étant suffisamment convaincant pour faire consensus.

De matchs internationaux donc, Metz n’en aura qu’un unique avant-goût avec ce France – Ecosse, son stade bondé, et ses bars remplis d’hommes en jupe. Maigre consolation, ou totale désillusion selon les points de vue, à l’Est d’une ligne entre Lille et Lyon, aucun stade ne recevra la compétition européenne.

Septembre 2016 dernier carat ?

Côté financement, le Conseil Départemental ne participera directement pas à l’investissement, mais jouera selon les mots de Patrick Weiten « le rôle de trésorier » via un emprunt de 10 millions d’euros, « en se récupérant » via un loyer payé par le FC Metz sur un bail de 20 ans ou plus.

Parmi les financeurs, on retrouve également l’Etat et la Région engagés chacun à hauteur de 7,5M€ (dans le cadre du pacte Lorraine, dont un budget tourné sur la réalisation d’une infrastructure capable d’accueillir des événements internationaux a été fléchée), la ville de Metz à hauteur de 5M€, l’Europe à hauteur de 3M€ via les fonds européens.

La mention liée au développement d'une infrastructure sportive capable d'héberger des événements internationaux dans le pacte Lorraine.
La mention liée au développement d’une infrastructure sportive capable d’héberger des événements internationaux dans le pacte Lorraine. Cliquer pour agrandir l’image.

Le président de la région Grand Est a confirmé l’investissement, le maire de Metz et le Conseil Départemental sont quasiment d’accord, reste donc à ce que l’Etat tienne ses propres engagements.

Or, la part de financement de l’Etat dépend de ce fameux pacte Lorraine, signé sous l’ère Masseret, dont le cycle d’engagement se termine le 31 décembre 2016 !

Bientôt collector : le document initial du pacte Lorraine.
Bientôt collector : le document initial du pacte Lorraine.

Les préfets du département et de la région Grand Est, ainsi que les deux ministres lorrains (C. Eckert et JM Todeschini) disposent du dossier depuis 2 mois environ, mais l’Etat n’a encore rien signé et n’en serait pas à sa première reculade. Pour être prêts à partir dès le feu vert obtenu, Patrick Weiten a néanmoins demandé à son assemblée départementale l’autorisation de poursuivre les études du projet, la décision de réalisation de ce dernier étant directement liée à la faisabilité financière.

Toujours selon Patrick Weiten, pour que le temps des délibérations puisse se faire, et que le premier coup de pioche (même s’il n’est qu’administratif) soit réalisé à temps avant la fin de l’année en cours, la réponse définitive sur le financement devra intervenir en septembre 2016.

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Pourquoi une nouvelle tribune Sud ?

Dans sa configuration actuelle, le stade St Symphorien peut accueillir un peu plus de 25 000 spectateurs. La tribune Sud, qui a plus de 50 ans, y contribue à hauteur d’environ 3 500 places.

Cependant, une partie des installations de cette dernière devient vétuste, si ce n’est pas totalement inadaptée ou obsolète du point de vue des normes. C’est le cas de l’espace presse hébergé dans un « Algeco » à l’arrière du stade, mais aussi de l’espace presse pour les directs perché en haut de cette même tribune, les vestiaires des joueurs,des arbitres et du staff, et bien sûr du nombre ridicule de places par rapport aux trois autres tribunes (une de 9 000, et deux de 7 000 places).

Source : DCF
Source : DCF

A ceci s’ajoutent les normes UEFA qui fixent, entre autres critères, à 30 000 le nombre de places minimum pour accueillir une compétition internationale.

Enfin, pour ne pas dire « surtout », les travaux de la tribune Sud représentent le seul moyen de faire évoluer l’offre commerciale du FC Metz envers ses partenaires, arrivée à saturation en l’état (1500 places, 6 espaces VIP). Or, pour assurer le maintien du club au plus haut niveau et gagner en autonomie financière, il faut augmenter les possibilités de faire rentrer de l’argent dans les caisses. La nouvelle infrastructure intégrera donc de nouvelles loges pour accueillir plus de VIP et d’invités.[/note]

La tribune Sud intimement liée à l’économie

Tout le monde connaît l’évolution financière galopante dans le monde du football.

Même si l’on écarte d’emblée à Metz la possibilité de recruter des joueurs ou un entraîneur aux salaires stratosphériques, le seul moyen d’attirer et de conserver des joueurs de très haut niveau dans un club de foot, repose sur sa capacité financière à leur proposer des conditions capables de peser face à la concurrence.

Pour se financer, comme tous les autres clubs, le FC Metz s’appuie aujourd’hui sur la billetterie et les abonnements, le merchandising, la publicité sur les maillots et autour du terrain, un soutien des collectivités orienté à la baisse, et des offres de prestation VIP pour les partenaires (loges et opérations spéciales).

La vue depuis l'un des espaces VIP / réception du stade St Symphorien, situé dans la tribune Ouest. Photo : CM pour Tout-Metz
La vue depuis l’un des espaces VIP / réception du stade St Symphorien, situé dans la tribune Ouest. Photo : CM pour Tout-Metz

Toutes ces possibilités sont mécaniquement limitées, et liées aux performances du club, qui dépendent elles-même du niveau des joueurs et du staff recrutés… un paramètre qui, lui, évolue à la hausse côté salaire. L’équation repose donc de façon très importante sur une variable trop aléatoire : la capacité d’un groupe de joueurs de niveau moyen, à tenir la dragée haute aux grosses écuries sur plusieurs saisons d’affilée grâce à un état d’esprit sans faille. Bref, autant faire brûler un cierge à la cathédrale.

Une variable qui porte en son sein le dernier maillon du financement d’un club : la revente d’un joueur approché par des offres inconcurrençables. Un maillon vicieux car il oblige le club à sans cesse recruter de nouveaux espoirs qui vont éclore ici mais exploser ailleurs, et donc rebâtir (au moins en partie) chaque saison, un projet de jeu avec une équipe privée de ses meilleurs éléments.

La seule solution repose donc sur une augmentation des recettes, et l’évolution de la tribune Sud est aujourd’hui le seul moyen d’y arriver.

Voilà pour l’analyse de l’argumentation des « pros » tribune Sud, face à laquelle les « anti » répondent simplement : « nous n’avons pas l’argent, il y a d’autres priorités et d’autres choix à faire, alors tant pis ». Un argument difficile à combattre, sur lequel pourrait bien s’appuyer l’Etat pour faire défaut.

Le vrai problème dans ce débat, est que l’on ne saura que dans 10 à 20 ans s’il fallait vraiment mener ce projet jusqu’au bout… si tant est que l’on puisse en comptabiliser les effets.

Vous avez dit infernal ?

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Petite histoire des tribunes du stade St Symphorien

A son inauguration en 1932, le stade St Symphorien compte environ 10.000 places, dont seuls 2000 sont couvertes. 4 ans plus tard, la capacité passe à 15.000 places. L’éclairage, lui, sera installé en 1953.

En 1976, la « fameuse » tribune Sud Moselle de St Symphorien est construite. Il faudra attendre 1987 pour que la tribune Nord connue actuellement ne sorte de terre, puis 1999 et 2001 pour respectivement voir les tribunes Ouest et Est être rénovées.

Le record d’affluence à ce jour est de 28 766 spectateurs, pour un match FC Metz / Olympique de Marseille en décembre 1991 (un club qui aura d’ailleurs été déterminant dans la couleur du maillot du FC Metz, cliquez ici pour lire notre article sur le sujet).

En 2016, la capacité maximale théorique du stade est de 25 636 places assises.

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