On ne compte plus le nombre de plaintes relatives aux installations illicites des gens du voyage sur des lieux privés ou publics, en Moselle et partout en France. Les maires ont exprimé leur ras-le-bol, individuellement, et même collectivement, via une motion votée à l’assemblée des maires ruraux de Moselle le 26 août 2024, qui constate « la montée en puissance et la répétition de ces agissements ». Moins audibles mais pas moins touchés, certaines associations, les propriétaires de terrains ou de parkings privés font également part de leur colère. Les commerçants locaux à proximité de ces lieux disent en pâtir également.
Collectivités ou privés, la plupart ont indiqué avoir été confrontés à des frais parfois très onéreux de remise en état des lieux d’installation, et de factures de consommables et de fluides (eau et électricité) après le passage de ces communautés, quand ce n’est pas même une voie de circulation toute entière qui est coupée par les branchements illicites qui empêchent les habitants de passer.
Beaucoup expriment leur désarroi face à l’injustice, certains dénoncent l’inaction de l’état ou des magistrats, bien que ces derniers s’en défendent, pointent leur manque de moyens. Tous indiquent ne pas comprendre ces installations, alors même que le territoire mosellan s’est équipé, au fil des années et telle que la loi le demande (lire plus bas), d’un nombre grandissant d’aires d’accueil spécialement aménagées pour les gens du voyage.
Interpellé à l’Assemblée, le nouveau ministre de l’intérieur répond à la députée mosellane
La députée mosellane Nathalie COLIN-OESTERLE (Horizon) a interpellé le ministre de l’intérieur Bruno RETAILLEAU sur ce sujet épineux, ce mercredi 23 octobre à l’Assemblée Nationale, lors d’une session de questions au gouvernement.
Citant plusieurs communes de Moselle ainsi que les communautés d’agglomération de Metz et de Thionville, toutes confrontées récemment à une telle forme d’installation, et relayant l’exaspération des élus autant que des habitants concernés, l’élue messine à pointé du doigt « les demandes d’expulsion restant souvent sans réponse, autant que le manque de soutien de l’Etat aux collectivités qui respectent leurs obligations » (y compris lorsque ces aires sont dégradées par leurs occupants comme à Metz). Voici son allocution à l’assemblée nationale :
Dans sa réponse directe à cette interpellation dans l’hémicycle (à écouter ci-dessous dans son intégralité), Bruno RETAILLEAU a indiqué être effectivement confronté « tous les jours » aux remontées des élus sur cette situation des occupations illicites.
Il a confirmé qu’il avait pris la mesure de ces réalités, qu’il travaillait sur un plan d’action visant à faire appliquer les règles, et rappelé que 2 lois (une à l’Assemblée et une au Sénat) étaient à l’étude pour réformer les procédures de mise en demeure et d’expulsion afin de mieux gérer ces situations.
Brandissant la possibilité de passer par « des enquêtes patrimoniales et des réparations de dommages » en cas d’atteintes à des biens publics ou privés, Bruno RETAILLEAU ne sera, et de loin, pas le premier des ministres ou des élus à vouloir s’attaquer aux occupations illicites (lire plus bas « côté dates et côté chiffres »).
Le 07 juillet 2023, le député mosellan Ludovic MENDES (Renaissance) avait lui aussi évoqué le sujet d’un nouveau projet de loi lors d’une conférence de presse, inquiet qu’il était de voir la situation potentiellement dégénérer en termes de violence. Un an après, l’agression en août 20214 du maire de Kuntzig par un membre de la communauté des gens du voyage qui tentait de s’installer sur le terrain de football de la commune, confirmait ses craintes.
In fine, reste au « citoyen lambda » beaucoup d’incompréhension face aux occupations illicites et non-sanctionnées, dont découle la tentation d’y voir une forme de justice à deux vitesses lorsqu’à lui, on ne f(er)ait aucun cadeau. Du côté des gens du voyage, difficile d’obtenir un témoignage, une explication sur leur propre perception de la situation, et sur les raisons du rejet par certains, des installations bâties pour les accueillir. On nous a fait comprendre qu’il était préférable de déguerpir lorsque nous avons essayé.
Les aires d’accueil côté dates et côté chiffres
Le nomadisme des gens du voyage n’a rient de récent, mais la volonté de réguler le cadre de leur installation par la loi sur les territoires urbains et ruraux l’est plus. Après quelques « timides » tentatives (1912, 1969 et 1972), le premier texte de loi à véritablement demander aux communes de faire en sorte de pouvoir accueillir les gens du voyage date de 1957.
Les moyens juridiques seront renforcés en 1990 (droit au logement) et en 2000 (loi Besson relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, faisant obligation aux communes de plus de 5 000 habitants de réaliser des aires d’accueil). Une loi amendée plusieurs fois depuis, mais dont les effets peinent visiblement à se matérialiser dans le concret si l’on regarde par le prisme des occupations illicites.
Pourtant, ces deux lois, l’une qui fêtera ses 35 ans et l’autre ses 25 ans en juillet de l’année prochaine, ainsi que l’existence de schémas départementaux fixant précisément les installations à construire sur leur territoire, ont conduit les communes et communautés de communes de France à bâtir des équipements d’accueil aux gens du voyage. L’objectif de la loi de 1990 était de construire 43.000 places sur des aires aménagées.
En 2017, la Cour des Comptes annonçait en avoir décompté 26.873 (à fin 2015) dans son rapport, soit un peu plus de 60% du nombre prévu 17 ans plus tôt. Sauf que dans l’intervalle, le nombre de places ciblé a été révisé à la baisse (-7%), ce qui a fait bondir ce pourcentage à 69%. Presque 10 ans après le dernier décompte, et bien que les départements ne soient pas forcément tous au même niveau (en 2015, 17 départements avaient déjà construit le nombre requis), le nombre d’équipements mis en service, et donc ce pourcentage, ont forcément encore progressé.
Dans ce même rapport, la Cour des Comptes faisait également le constat que « si près de 70 % des places prévues pour les aires d’accueil sont désormais réalisées [NDLR : décompte à fin 2015], seulement 55 à 60 % d’entre elles sont réellement occupées, alors même que des stationnements illicites demeurent par ailleurs » ; et qu’une forme de sédentarisation sur ces mêmes aires a été constatée.
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