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Roger Huther et la sécurité routière : entre devoir et plaisir (portrait)

Roger Huther, 58 ans, est un ancien photograveur reconverti dans la Police Nationale. Cet infatigable policier prend à bras-le-corps depuis 32 ans sa mission de sensibilisation et d’éducation à la sécurité routière, qu’il remplit avec toujours autant d’entrain.

Tout-Metz est allé à sa rencontre dans le cadre d’un dossier de l’été présentant une série d’interviews-portraits de personnes ou artisans passionnés, aux parcours surprenants, exerçant un métier atypique voire méconnu, exerçant en Lorraine.

Photo : LM pour Tout-Metz.com
Photo : LM pour Tout-Metz.com

Stop, feux tricolores, cédez le passage, giratoire… On se croirait presque sur une vraie route, sauf qu’ici c’est un guidon que les enfants ont entre les mains.

Formé par le précédent moniteur de la Prévention routière, c’est indéniablement le contact avec les enfants et le sens du devoir qui ont attiré Roger Huther.

Aujourd’hui à Montigny-lès-Metz, c’est une classe de CM2 de l’établissement Jean XXIII qui se met à l’épreuve de la piste du centre Marc Sangnier, et de son code, avec à l’issue une note… en jeton !

Dispenser des cours de sécurité routière s’apparente au métier de professeur ou de formateur par la dimension didactique. Comment avez-vous acquis la pédagogie qui s’impose ? Quelles sont les qualités requises ?

« Je crois que la pédagogie et le contact avec les enfants s’acquièrent sur le tas, avec l’expérience. Ce qui m’a poussé vers cette branche, c’est incontestablement le rapport avec les enfants et ce sentiment d’utilité. J’ai l’impression d’accomplir un devoir en transmettant mon savoir du code de la route. Mais devoir et plaisir ne vont pas l’un sans l’autre. »

Est-ce que l’apprentissage du code de la route intéresse les jeunes ?

« J’ai de la chance que cette matière plaise énormément aux jeunes, aussi bien les enfants que les ados. En plus, le vélo c’est le premier véhicule où on peut se déplacer individuellement, où on a une autonomie. Après pour les adolescents, il y a le cyclomoteur, premier véhicule à moteur. Je les prépare au BSR, brevet de sécurité routière. »

L’apprentissage du code de la route a donc la côte auprès des jeunes. Mais la présence d’un policier pose-t-elle un problème auprès des jeunes par le côté répressif du métier ?

« Voir un policier au collège ou à l’école, c’est rare. Il se dégage un peu un mystère qui se traduit par de la curiosité chez les jeunes. Le Français est comme ça, c’est sa nature même. Il n’aime pas trop la police mais sait qu’il en a besoin, il est attiré par le mystère qui entoure le métier. Et le tout crée de l’osmose »

Que faites-vous le reste du temps ?

« Je suis détaché à l’année où j’interviens dans les collèges en 5ème pour éduquer les enfants au cyclomoteur. Je les prépare à la SSR premier niveau, qui permet la conduite du cyclomoteur 50cm3. Après cela, j’interviens dans les écoles primaires pour éduquer les enfants au code de la route, conduite à vélo, de février au début du printemps. »

Photo : LM pour Tout-Metz.com
Photo : LM pour Tout-Metz.com

Combien de classes voyez-vous ? Cela représente combien d’élèves sur une année ?

« Je fais 27 collèges, ce qui me prend un gros trimestre. En primaire, je brasse plusieurs communes, ce qui représente environ 70 classes de CM1, CM2 à l’année. Chaque classe me voit deux heures en théorie avec à l’issue un contrôle de connaissances et deux heures sur la piste. Donc un enfant qui est scolarisé dans la circonscription où je travaille, me voit 10h au total. Sur une année, je vois passer environ 6000/7000 élèves ».

Comment organisez-vous vos sessions de cours pour la classe qui est venue aujourd’hui ?

« D’abord, je suis allé les voir en classe pour leur donner un cours théorique au mois de mars. On est en plein dans l’enseignement du code de la route. J’ai monté moi-même un cours audiovisuel, avec à peu près 200 prises de vue. C’est ma voix, mon texte, mes photos et ça passe très bien ! Aujourd’hui, ils sont arrivés vers 8h30. Avant de monter sur le vélo, nous faisons une grosse révision qui prend plus d’une demi-heure.

Viens ensuite la distribution des casques, le choix du vélo en fonction de la taille de l’enfant. C’est tout un travail qui demande du temps et de la patience. »

Y-a t-il des points sur lesquels les enfants éprouvent des difficultés ?

« On a du mal à leur expliquer la priorité à droite, la plupart des enfants ne comprennent pas l’intersection sans signalisation, ils n’arrivent pas à la visualiser, à se projeter. »

Avez-vous déja eu des cas d’élèves très perturbateurs ? Si oui, que s’est-il passé ?

« J’ai eu des cas isolés d’élèves dissipés mais cela n’avait pas de rapport avec la matière enseignée. Dans toute ma carrière j’en compte peut-être deux. Ils refusaient de respecter les règles, faisaient exprès de perdre leur jeton [rires]. »

[note color= »#ffb9c1″] L’ANECDOTE :
Déjà compétiteurs, certains enfants font de la haute voltige. C’est le cas d’une petite fille qui s’est récemment blessée à la tête. Les sapeurs pompiers sont intervenus, résultat : une journée d’observation. Plus de peur que de mal pour Roger Huther.[/note]

Le métier a t-il évolué depuis 20 ans ?

« La signalisation de base reste la même. Après, par commune, on aménage les panneaux selon des configurations particulières. J’ai toujours travaillé avec l’outil que j’ai construit moi-même. Je trouvais que l’outil pédagogique qu’on me proposait était trop succinct, il y avait de petits livrets, des cassettes vidéos, mais qui ne correspondait pas à la réalité de la route chez nous.

Certains travaillent comme à la vieille école, en décrivant des situations à la craie, d’autres se servent du numérique. C’est un investissement personnel. Après, on peut se demander si cette mission sera toujours assurée par les policiers, si elle ne tombera pas sous la responsabilité des instituteurs »

Photo : LM pour Tout-Metz.com
Photo : LM pour Tout-Metz.com

Que pensez-vous de ce risque de passage de main ?

« Tout ce qui m’importe, c’est que la relève soit assurée après mon départ à la retraite prévue en octobre 2015. »

Roger Huther semble toujours aussi passionné qu’au premier jour. Cet agent de police à plusieurs facettes dit de lui même qu’il « peut être représenté par un feu tricolore ». Le vert lorsqu’il n’y a rien à signaler, l’orange lorsque l’alerte est déclenchée et le rouge, quand il faut punir.

Il a l’impression que cette mission redore le blason de la police nationale, lui donne une autre image, instructive, loin de la répression. C’est le sourire aux lèvres qu’il nous raconte qu’il arrive que les enfants perdent leur jeton ou pleurent quand on leur en retire. Il essaie toujours de tempérer la situation.

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Un commentaire

  1. Un grand MERCI à Roger pour m’avoir appris le code de la route.Avec une pensée pour son collégue de l’époque Maurice.Que cette piste routière à Montigny les Metz dure pendant de nombreuses années.

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