Economie & emploi

Le sillon lorrain abat ses cartes, pour garder les emplois des futurs services régionaux de l’ALCA

C’est une réunion du Sillon Lorrain qui aurait pu sembler classique, voir anodine, qui s’est déroulée ce lundi 16 mars 2015 à Montigny les Metz. Pourtant, la motion officielle issue de cette rencontre marque un événement important, et un signal clair à la veille d’une reconfiguration territoriale qui touchera demain, la totalité des lorrains.

Les élus des communes et des agglomérations du sillon lorrain réunis à Montigny ce 16 mars 2015, pour voter une motion relative à la position des organes de l'ALCA sur leur territoire.
Les élus des communes et des agglomérations du sillon lorrain réunis à Montigny ce 16 mars 2015, pour voter une motion relative à la position des organes de l’ALCA sur leur territoire.

En effet, la réforme territoriale, si elle peut sembler éloignée des préoccupations des habitants et des entreprises, va en bonne partie redistribuer les cartes du point de vue décisionnel, économique et démographique, avec toutes les conséquences sur le quotidien de l’ensemble des habitants.

Or il se déroule, depuis l’annonce de cette réforme, une bataille souterraine et vicieuse qui vise à tirer au maximum la future couverture au profit de l’un ou l’autre des territoires. Et en la matière, les alsaciens ont, jusqu’à aujourd’hui, été les plus efficaces, en tout cas sur la forme. Ils ont ainsi réussi à obtenir un amendement à la loi leur octroyant de fait, en dehors de tout processus démocratique qui se déroulera pourtant ailleurs en France, la désignation de Strasbourg comme chef-lieu de la région Grand Est.

Cette façon d’agir pourrait cacher autre chose : les élus alsaciens ont probablement rapidement compris que le fait de « posséder » Strasbourg et Mulhouse ne serait pas suffisant pour faire face au poids des métropoles lorraines. Et justement, ces dernières s’organisent pour le faire savoir.

L’union sacrée autour des points forts du sillon

La motion votée aujourd’hui à l’unanimité par le Sillon Lorrain, officialise les travaux engagés pour créer une ligne de défense des intérêts des citoyens et des entreprises du territoire, et affiche un front commun qui, enfin, voit le jour sur ce dossier éminemment stratégique pour l’avenir.

Cette ligne est simple : l’Alsace n’est pas le territoire par défaut, qui doit logiquement1 récupérer un maximum de services régionaux sur son seul territoire. Bien au contraire, le sillon lorrain affirme sa centralité, son importance dans la future ALCA, et la nécessité d’adosser les rouages forts de l’hyper-région sur les métropoles lorraines.

Avec cette affirmation, le sillon lorrain a pris position sur le maintien sur son territoire des futurs organes de pilotage de la région grand Est, et place un pavé dans le jardin de l’Alsace dont la position n’est finalement pas très claire, faisant comme si la partie était gagnée d’avance pour Strasbourg, alors même qu’elle rejette en partie cette même hyper région.

Face à cet exercice d’équilibriste, et au lobby alsacien qui oeuvre au plus près du gouvernement, le sillon a donc adopté une position commune et ferme, associée à une accélération d’un certain nombre de mutualisations entre les villes, pour constituer des structures optimisées, et rendre difficilement déboulonnables les organisations qui existeront au niveau du sillon lorsque l’ALCA sera lancée.

En résumé, la bataille sera rude, mais les élus du sillon sont bien décidés à ne pas se laisser siphonner leurs territoires.

1 selon la logique alsacienne.

Dans sa motion, le sillon Lorrain réclame son dû

Dans une démarche et un discours communs, le sillon lorrain a donc produit une motion, un document destiné notamment au futur préfet en charge de la préparation du dossier pour l’Etat.

Dans ce document, qui rappelle la volonté de construire la future ALCA, les élus posent clairement leur demande, à savoir conserver sur le territoire un certain nombre d’organes, qui oeuvreront demain pour toute la région Grand Est, et les emplois qui vont avec :

  • A Epinal, le siège de la Chambre Régionale des Comptes, qui couvre déjà l’ensemble de la Lorraine et de la Champagne-Ardenne
  • à Metz, le siège de l’Hôtel de Région et de l’Assemblée régionale, et le siège de la Zone de Défense et de Sécurité Est regroupant déjà ALCA, Bourgogne et Franche-Comté
  • à Nancy, le siège de l’ARS, de la CRCI et du Rectorat afin de conforter sa vocation régionale en matière de santé, d’emploi et d’enseignement.
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Sillon Lorrain, quésaco ?

logo-Sillon-Lorrain-1600Le sillon Lorrain qui s’est réuni ce jour est en fait le « Conseil Syndical du Pôle Métropolitain Européen du Sillon Lorrain ». Un nom, certes peu « sexy », qui rassemble en son sein les différents acteurs des 4 métropoles suivantes : Epinal, Nancy, Metz et Thionville.

Créé officiellement en 2011, cet organe a pour objectif d’améliorer la coopération des quatre agglomérations, et favoriser l’émergence et la réalisation de projets fédérateurs au profit de tous les lorrains.

Le sillon a ainsi oeuvré sur un certain nombre de dossiers conséquents : la création de l’université Lorraine, des projets touchant aux hôpitaux, au tourisme, au transport et tout dernièrement à la candidature au label french tech.

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La preuve par les cartes et les chiffres

L’affirmation de l’importance des territoires du sillon lorrain n’est pas tombée du ciel. Le nombre d’élus des (futures) anciennes régions de la future assemblée représenteront au prorata du nombre d’habitants : 72 lorrains, 56 alsaciens et 41 champenois. Ce qui permet au passage de comprendre pourquoi les alsaciens se sont empressés de récupérer le statut de chef-lieu par voie d’amendement, alors que ce point aurait normalement du être soumis au vote des élus de la nouvelle assemblée.

Mais le seul poids des populations n’est pas suffisant pour établir une vision pondérée de la situation. Les services des différentes agglomérations du sillon se sont donc penchés sur le sujet : poids des agglos du sillon face à celles des deux autres régions du futur attelage, typologies de la population, flux… l’étude est poussée.

Les résultats ont été présentés en détail aux élus. Le document d’une trentaine de pages confirme que, si les métropoles d’Alsace ne sont pas à considérer comme portion congrue, celles du sillon tiennent la dragée haute à nos voisins. De quoi confirmer les atouts des métropoles lorraines, et asseoir la motion votée plus tôt sur des constatations bien réelles.

Reste à savoir si cela sera suffisant pour conserver sur le territoire lorrain les instances des services régionaux,  y rapatrier doublons et emplois… Pas si sûr. Dans cette guerre bizarre qui fait se dresser les voisins les uns contre les autres, et où il ne s’agit pas uniquement de conserver son siège d’élu, mais plutôt de ne pas voir son territoire déshabillé, des arbitrages devront nécessairement être rendus.

Si l’on ne connaît pas encore l’issue de la bataille (l’affaire devrait être pliée dans les grands lignes cet été), on sait au moins que le sillon accumule les moyens de défendre le beefsteak de ses habitants. On ne peut pas être certain que ces éléments tangibles seront retenus à leur juste valeur. Mais s’ils le sont, les métropoles lorraines devraient tenir un rôle de premier plan en région Grand Est, n’en déplaise aux acteurs alsaciens.

Ville(s) / territoire(s) :

4 commentaires

  1. espérons que nous arriverons à juguler les égoïsmes territoriaux , ceci étant un combat d’arrière garde puisque nous sommes en Europe ?

  2. – « posséder » Strasbourg et Mulhouse ne serait pas suffisant pour faire face au poids des métropoles lorraines : il ne suffit pas de le dire.

    – en dehors de tout processus démocratique qui se déroulera pourtant ailleurs en France, la désignation de Strasbourg comme chef-lieu de la région Grand Est : décision autant démocratique que l’ensemble de la réforme…

    – qui doit logiquement (selon la logique alsacienne) récupérer un maximum de services régionaux sur son seul territoire : le fonctionnement alsacien est en réseau, notamment avec ses voisins allemands, et c’est cette logique que plaide les élus alsaciens

    – ne pas se laisser siphonner leurs territoires : ce que les élus lorrains souhaitent visiblement faire d’après cet article…

    @Guibert
    Pour juguler les égoïsmes territoriaux, la lecture de cet article hystérique digne de la prose nationaliste de 1914 ne laisse rien présager de bon…

  3. Vous êtes autant fervents défenseurs de la coopération interrégionale qu’amoureux du débat public et de la liberté d’expression, vous!

  4. Quel magnifique article anti alsacien!
    Le terme Lobby alsacien me fait bien rire. Sachant que la région Alsace est de droite et le gouvernement Francais de gauche, je doute que ce lobby ait un quelconque pouvoir !
    De toute facon, Nancy et Metz, prenez tout…. Le peuple d’alsace ne veut rien, pas même de cette Méga région sans logique. Ce n’est pas contre vous mais géographiquement l’Alsace est orientée vers l’EST (Allemagne), Metz est plus orienté vers le NORD (Luxembourg) et la champagne vers l’OUEST (Paris). Autant dire que nos vecteurs de développement sont totalement opposés.
    …. Pour etre gentiellement ironique, je me réjoui toutefois que cette Méga région Transgénique permette à Nancy et Metz de travailler enfin de pair… ca aurait été bien que vous vous entendiez de meme pour le choix de la gare TGV 🙂
    Amicalements mes voisins et concitoien Lorrains et Champenois

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