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Après la vague de piqûres à la fête de la musique, faut-il s’inquiéter cet été à Metz ?

Le samedi 21 juin 2025 aurait dû entrer dans l’histoire de Metz comme le jour où la fête de la musique a battu tous les records d’affluence. Ils étaient 50 000 réunis en ville pour s’amuser. Pour beaucoup, la fête a viré à l’angoisse alors que 17 victimes indiquent avoir été piquées à la seringue.

Le phénomène a commencé sur les réseaux sociaux, où circulaient des appels à piquer les femmes lors de la fête de la musique. Pour Clémentine DECOURSIER, militante de Force féministe, la menace a été directement prise au sérieux : « Quand on entend parler de fausses rumeurs, ce n’est pas vrai. C’était réel. On a fait de la prévention à notre niveau. Les jeunes femmes savaient très bien, mais ce n’est pas le cas de tout le monde », explique-t-elle.

Les craintes se sont alors traduites en faits lors de la fête de la musique avec plus de 150 signalements en France, dont à Metz, Thionville et Strasbourg « On a arrêté deux personnes qui avaient été signalées. Elles n’avaient plus manifestement d’aiguilles sur elles, mais il est très facile de s’en débarrasser rapidement », raconte François GROSDIDIER, maire de Metz. Selon les premiers retours dont il dispose, aucune piqûre n’aurait a priori inoculé de substance toxique.

Le maire dénonce un « un acte de malveillance complètement imbécile et gratuit que certains ont fait par jeu » et félicite dans le même temps les services. « Nous avions mis en place un dispositif maximal, c’est pour ça qu’il a été efficace. Je crois que nous sommes l’une des rares villes où a été interpellé l’un des suspects », précise-t-il.

« Un moyen de faire régner la terreur »

Pour Servane DIAFERIA-ACEVEDO REYES, présidente du collectif La Grenade, l’objectif de l’opération va bien plus loin. C’est véritablement de créer un climat de peur pour empêcher les femmes de sortir : « Ce n’est ni plus ni moins qu’un moyen de faire régner la terreur masculiniste. D’organiser ça et de le faire lors d’événements comme la fête de la musique, c’est du terrorisme ».

Une analyse que partage Clémentine DECOURSIER :

« On note un retour des idées machistes. Avec la libération de la parole, ils prennent le féminisme comme une agression. Il y a des groupes qui commencent à émerger sur les réseaux sociaux, des groupes très violents. Il faut qu’on arrête l’impunité en ligne. Ils ne sont même pas bloqués et peuvent agir librement. »

La militante de Force féministe appelle à une réaction politique forte du président de la République Emmanuel MACRON. « Il faut qu’il se saisisse vraiment de la cause des femmes et que cela se traduise en action, en moyens, et pas seulement en discours », tranche Clémentine DECOURSIER. Au niveau local, elle appelle tous les citoyens, associations et collectivités à se mobiliser pour assurer la sécurité des femmes.

Les safe places comme solution ?

« Ces appels à piquer ça donne envie de renoncer à sortir. Moi-même j’avoue que je suis pas resté à la fête de la musique. On a pas la solution. Je pense qu’il faut plus de police et plus de safe places pour se référer à quelqu’un et se mettre en sécurité », propose-t-elle.

Le sujet sera évoqué lors de la prochaine assemblée de Force féministe. Si elles ne disposent pas des effectifs suffisants pour tenir elles-mêmes chaque safe place, leur engagement citoyen étant limité par leurs activités professionnelles, elles ont déjà mis en place ce genre de dispositif à Bliiida et aux Frigos. « On est là pour discuter, orienter et écouter les femmes. Certaines n’osent pas aller vers la police », développe la militante. Elle souhaiterait aujourd’hui discuter avec la mairie pour que les safe places soit généralisées.

Alors qu’approchent les fêtes de la Mirabelle, le 14 juillet et tous les événements estivaux, le maire de Metz assure prendre le problème à bras le corps :

« Nous feront preuve d’une vigilance particulière. Nous demanderons au public de l’être également, et de se signaler très vite s’il y a le moindre doute pour nous aider à identifier les auteurs. C’est vrai que plus on déploie de forces de police et plus on a de caméras de vidéoprotection, plus ça permet de prévenir, d’éviter ou d’identifier rapidement les auteurs de tels méfaits. »

François GROSDIDIER, maire de Metz

Clémentine DECOURSIER, militante de Force féministe, espère que la ville entreprendra de nouvelles actions pour la sécurité des femmes après une première distribution de porte-clés d’alarme pour lutter contre l’insécurité, positive mais insuffisante. « Les femmes sont très nombreuses à ne pas avoir pu en bénéficier à Metz et aux alentours. Il y a une véritable insécurité à Metz, particulièrement le soir où il faut parfois éviter certaines rues », développe-t-elle.

Pour Servane DIAFERIA-ACEVEDO REYES, la solution n’est pas dans les dispositifs qu’elle juge gadgets : « les sifflets, c’est ridicule, ça fait longtemps qu’on les utilise. On ne veut pas ça, on veut que les agresseurs soient pris en charge, qu’on s’occupe d’eux et qu’on arrête de dire aux victimes quoi faire », fustige la présidente du collectif La Grenade. Une solution possible, serait selon elle, que les hommes soient fouillés systématiquement à l’approche des grands rassemblements. Elle indique regretter d’avoir à en arriver là, mais estime que les solutions limitées pour éviter les violences à l’encontre des femmes.

Pour l’édile, la réponse est avant tout dans les dispositifs de surveillance et de sécurisation. « Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de pédagogie à faire. Là, on s’adresse à des abrutis dont je ne suis pas certain qu’une campagne de prévention puisse convaincre et peut-être qu’elle donnerait des idées à ceux qui ne les auraient pas eu par les réseaux sociaux », tranche François GROSDIDIER.

« On doit avoir encore plus de présence humaine sur ces événements. C’est une certitude. Il y a une question de prévention dans les écoles, mais la présence humaine est le moyen d’agir. Se retrouver dans ces manifestations c’est ce qui nous fait faire société, il ne faut pas laisser la peur s’installer », affirme de son côté Jérémie ROQUES, président du groupe Unis pour Metz. 

Les deux militantes s’accordent sur le fait que si des actions peuvent être entreprises localement, la fête de la musique doit être l’occasion d’une prise de conscience à l’échelle nationale. Elles rappellent également que ces piqûres ne sont pas un phénomène nouveau mais des cas sont déjà signalés dans les boîtes de nuit, festivals, soirées étudiantes et même dans la rue depuis les années 90. Raison pour laquelle, selon la présidente de La Grenade, les femmes savent très bien comment agir et font preuve d’une hypervigilance constante.

« Il ne faut pas oublier que la majorité des violences faites aux femmes sont commises par des proches, dans leur foyer », rappelle Servane DIAFERIA-ACEVEDO REYES. En France, une femme meurt tous les 2 jours sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. En Moselle, les violences intrafamiliales sont en hausse comme l’évoquait le préfet Pascal BOLOT, lors d’un point presse.

Loin de sombrer dans la peur ou la psychose, les associations féministes espèrent que la prise de conscience médiatique et populaire poussera le gouvernement à engager des moyens supplémentaires pour assurer la sécurité de toutes.

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