Culture & spectacles

AU REVOIR PARAPLUIE – Au Théâtre de la Ville

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 C’est cette semaine (dimanche 26 avril) que s’achèvera la série de représentation du désormais incontournable Au revoir parapluie de James Thierrée, entamée le 9 avril 2008 au sein du mythique Théâtre de la Ville à Paris. Ce temple sacré du théâtre et de la danse accueillait une nouvelle fois le dernier spectacle de la Compagnie du Hanneton, déjà ovationné l’année précédente sur cette même scène par des milliers de spectateurs, puis à travers la France et à l’étranger (New York, Londres, Sydney…).

Monstres extraordinaires, acrobaties virtuoses, poésie et conte merveilleux. Un voyage magnifique et irréel dans des contrées imaginaires d’une incroyable beauté !

Récit en images d’un fabuleux spectacle…

Petit fils de Charlie Chaplin, James Thierrée s’impose dès son premier spectacle sur la scène internationale. La Symphonie du Hanneton, insomnie poétique et baroque, nous entraîne dans un monde bizarre, entre féérie et cauchemars. Déjà s’installe l’univers de James Thierrée : lyrique, merveilleux, où le charme désuet des vieux objets se mêle à d’incroyables images magiques peuplées de personnages aux costumes fantasques. Et ils chantent, ils dansent, ils hurlent où se jettent au sol, ils volent, aussi, souvent, emportés dans d’incroyables acrobaties. Et au milieu de ce joyeux vacarme visuel apparaît le cirque, les arts du cirque, disciplines de prédilection que James Thierrée découvre dès l’âge de quatre ans, grâce à ses parents Victoria Chaplin et Jean Baptiste Thierrée, fondateurs du Cirque Bonjour !

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Parcours évident, parcours rêvé, James Thierrée explore le monde de 1978 à 1994, au fil des tournées du Cirque Bonjour, devenu Cirque Imaginaire, puis Cirque Invisible (comme une disparition progressive, renonciation au réel…) où il apprendra la danse, le mime, le trapèze, la musique et par-dessus tout la fantaisie qu’il n’a pas appris à dissocier du reste. Au cours de ce voyage pendant lequel il grandit aussi, il apprend également les langues, l’anglais le français et l’italien qu’il parle couramment.

En 1989 s’amorce parallèlement une autre carrière, cinématographique celle-ci. Après des études dans de grandes écoles d’art dramatique (Piccolo Teatro de Milan, Harvard Theatre School) James Thierrée tourne sous la houlette de grands réalisateurs français et internationaux tels Coline Serreau, Raoul Ruiz ou encore Philippe de Broca.

Sa carrière théâtrale ne s’est pas pour autant essoufflée, il joue sous la direction de Carlos Santos ou Michael Cohen, mais c’est en 1998 qu’il retrouve le cirque et créée ses propres spectacles avec la Compagnie du Hanneton. C’est un insecte velu et dodu et bruyant, pourquoi un hanneton ? Moi je ne sais pas. Et La symphonie du Hanneton voit le jour, ou plutôt la nuit d’après l’histoire, insomnie imaginaire où seul le réel s’est endormi. Et c’est d’un sommeil enivré de fantaisie que l’on retrouve ensuite et dans lequel on s’abandonne.

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On y retrouve souvent Vivaldi et le violon de James Thierrée valsant gaiment, à reculons, sur les roulettes étonnement dociles d’une paire de patins. On y découvre un tableau dont le personnage n’a que faire de prendre la pause et s’en va gambader, et aussi, entre autre, une femme aux cheveux longs dissimulée sous un habit noir, gesticulant sans fin comme une bestiole contorsionniste. Le tout s’achève en un festin désordonné où s’amoncèlent bric à brac, brocante ahurissante d’objets de toute taille et de tout usage, subsistances métalliques, mets immangeables, réunis en victuailles d’un stupéfiant banquet. Et c’est là tout l’univers de James Thierrée, fantaisie comestible où l’imaginaire rendu concret se déguste et se digère avec une certaine délectation.

Vient ensuite La veillée des Abysses :

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« La Veillée des Abysses se posera un peu plus près des hommes, frôlera leurs vies, leurs codes, leurs fonctions pour mieux les décortiquer, les manipuler, les transcender, les exploser…

Nous resterons d’une liberté totale quant à l’utilisation de toutes les formes artistiques nécessaires à l’épanouissement du spectateur, ce qui revient à dire que je n’ai pas l’intention de sacrifier ce qui faisait, je crois, le charme du « Hanneton » : une générosité, une simplicité et une disponibilité totale vis à vis du spectateur. Gare à la centrifugeuse…

Il n’empêche, c’est un autre voyage.

Nous serons cinq sur scène, et à part la danse, l’acrobatie, la magie, la musique et autres aptitudes, nous utiliserons surtout le jeu et l’imagination pour servir de multiples situations humaines prises au dépourvu.

Ces êtres « veilleront » dans une sorte d’antichambre, lieu chargé de moments volés, temple de l’effritement… »

 (James Thierrée)

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Le second spectacle de la Compagnie du Hanneton est un monstre baroque, burlesque. Dansé, chanté, joué… d’une poésie surréaliste où les fauteuils de velours dévorent ceux qui s’y reposent et où l’océan gonfle dans un fracas de tissu et de vent. Un rêve éveillé, réel. Le sommeil en aurait légitimé la fantaisie si par mégarde on s’était assoupi. Mais la réalité fait de cette frasque une folie, pur enchantement et délice lucide.

2004, La Veillée des Abysses, second volet du triptyque complété par Au revoir Parapluie, survole le monde et berce les souvenirs de ceux qui on vu, et même vécu, cette incroyable expérience.

2007 maintenant, enfin, la fin. James Thierrée et sa troupe reviennent en fanfare, feu d’artifice poétique, déluge virtuose, génie de l’imaginaire Au revoir parapluie fait salle comble tout au long de sa tournée. Un an à parcourir la France avant de revenir au Théâtre de la Ville, scène par laquelle la fin venait de commencer.

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On s’assoit. Immense salle du théâtre donnant sur un cadre de scène clos. L’obstacle est un voile blanc sur lequel est cousu un arbre, imposant sa majesté à ceux qui s’installent, se présentent à lui en attendant de dire au revoir à ce parapluie qui, de surcroît, n’existe pas.

On attend. On attend d’être heureux et triste, ému par tout, par cette scène ouverte sur le monde, l’univers, cet univers là, la scène, seul endroit capable de faire surgir pareilles fantaisies. Et puis le réel s’éteint, poliment, recule devant la force évocatrice d’une scène nue au dessus de laquelle tournoient 850 kilos de cordes.

James Thierrée, costume blanc, veste noire, attend d’être englouti.

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La scène est nue donc. On aurait pu croire dépouillée mais ces murs, ces échelles, avalanche de béton et de métal, infrastructure du théâtre généralement camouflée qui apparaît là, s’impose comme l’implacable vérité : l’endroit qui restera la scène. Etonnante nostalgie de l’immobilité qui soudain surgit, dans la lumière et la musique et la voix incroyable de la chanteuse et comédienne suédoise Maria Sendow qui ouvre le bal.

Départs, retours, espaces qui se chevauchent, se supplantent. Tout surgit, se révèle. L’océan de tissus du départ devient parquet puis étang et champ de blés avant que n’apparaisse le chapiteau de la fin, ou celui du début. Peut être le chapiteau du Cirque Bonjour des parents de James Thierrée et de ses quatre ans. Enfance perdue, enfance retrouvée ? Errances d’adulte-enfant ? Et nous, enfants encore ? Qu’en reste-t-il ? Qu’est-il resté de ces cauchemars indolores, de ces images, éclat fugace et souvenir éternel de ce qui s’échappe, du rêve impossible et de la réalité dont il a un jour été question, pour chacun de nous  peut être, de la rendre majestueuse et, pour cela, de s’en détacher au profit d’un inépuisable imaginaire.

C’est un hommage, après tout, à cette enfance dont on ne pourrait garder que le goût amer de ces merveilles inventées qui ne se réalisent pas, qui tardent.

Et le réel, où est-il ? Dans quelle(s) dimension(s) sommes-nous ? Sommes-nous perdus ou simplement à la recherche de quelque chose, un but ? bien sûr il n’y a rien à comprendre, les images multiples, les références, sont toutes des histoires uniques, interdépendantes. Chaque scène se révèle extraordinaire dans leur unicité, dans leur disposition aussi, au sein de ce tout impossible et magique, écrasant de beauté, devant lequel nous spectateurs, frêles témoins devant tant de puissance, voguons, choisissant ça et là quelques instants de bonheur volé, bonheur naïf, lumière diffuse ou explosion.

Et de ce voyage, cette épopée vécue de multiples façons, naît le plus incroyable et extraordinaire bestiaire : sauterelles humaines, branches menaçantes, coquillages omnivores, monstres de cordes… Images de cauchemars où se succèdent monstres géants et se mettent en scène des peurs multiples.  Terreur de l’homme avalé par ce qu’il s’apprête à manger, du magicien rattrapé par les objets d’abord invisibles dont il provoque involontairement l’apparition. Et peut être, à l’image de ce magicien, on est également à ce point surpris que tout fonctionne et apparaisse, toujours chevauchant la limite de l’impossible nous sommes témoins d’une histoire décousue dont les fils sont des cordes suspendues à un crochet de ferraille.  

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Au Revoir Parapluie s’impose dans toute sa complexité comme un regard simple sur l’existence, qui peut être tour à tour joyeuse et drôle, terrifiante ou folle. D’une absurdité d’autant plus délirante qu’elle est inattendue, à chaque seconde supplémentaire surgit la contraction de la précédente, sans d’autre désagrément que celui de se rappeler la possible et définitive interruption de chaque image qui nous parvient.

Images façonnées par Kaori Ito et Satchie Noro qui dansent, décuplent leurs mouvements, se multiplient avec une rapidité déconcertante et une souplesse à toute épreuve. Par Magnus Jakobsson, fidèle complice de James Thierrée, qui s’assomme, fuit, prend de l’élan pour mieux prendre les murs. Et par James Thierrée quant à lui, qui court et vole après des instants volés, instants de grâce inouïe, instants bruts ou drôles, souvent drôles ; images d’une constante stupéfaction. Ils savent tout faire puisqu’ils s’autorisent tout.

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Et l’on est saisi, en suspend au dessus de ce qui apparaît comme un grand vide lorsque la dernière lumière disparaît. Lorsque la scène, le décor, est à l’agonie, abandonné dans ce désormais mythique désordre de la fin où s’accumulent les objets tombés du ciel, dernière averse, au revoir parapluie, objet superflu, inutile à ce dernier déluge. Au revoir chapiteau, enfance tranquillisée, adoucie par cet abri devenu trop étroit, rétréci par la réalité.

Au revoir.

En apesanteur à la fin, j’entends quelqu’un dire « Il faut que j’atterrisse ». Crispés de fascination beaucoup restent dans leur siège, conquis et convaincus d’avoir vécu l’impossible. Quant au Hanneton il salue, dodu, joufflu, joyeux. Cinq interprètes aux talents multiples, surhumains, hors du temps, James Thierrée en tête dont on dit que ces aptitudes lui promettent une belle carrière, et lorsqu’on sait qu’il officie depuis déjà trente ans, on se dit, inévitablement, que l’avenir est grand.

ATTENTION ! Le Cirque Invisible de Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée sera à l’Autre Canal à Nancy du 8 au 10 mai prochain ! Evènement à ne pas rater !


Sources Photographiques : Théâtre de la Ville / La compagnie du Hanneton / Cirque Invisible

Liens utiles :

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  • Le Cirque Invisible

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