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Nuisances de 3 discothèques à Metz : la saga de Noël 2022

Un collectif d’habitants1 de certaines rues du centre ville de Metz créé en mai 2022 a interpellé le Préfet Laurent TOUVET et le maire de Metz François GROSDIDIER, au sujet de nuisances en lien avec l’activité nocturne de trois discothèques du centre ville. Des exactions crument mises en lumière par des preuves en vidéo.

Selon ce collectif, la préfecture ne serait pas intervenue malgré un courrier et de nombreux e-mails. Quant à François GROSDIDIER, sa réaction s’est matérialisée par son souhait de faire déménager ces établissements en périphérie de la ville pour ne plus avoir le problème au centre ville de Metz, qu’il souhaite dans le même temps redynamiser.

Il n’en fallait pas plus pour que la situation se transforme, à coup de déclarations, de communiqués et de conférences de presse, en une sorte de pugilat néfaste pour l’image de la ville de Metz en ce mois de décembre 2022. Retour sur les premiers épisodes d’une « saga politico-économico-sociétale » qui n’a pas fini de faire parler d’elle.

Le collectif Poncelet démontre la situation devant les discothèques concernées

Cette vidéo, réalisée et diffusée par le collectif lors d’une conférence de presse le 06 décembre, montre une situation qui, toujours selon ce collectif, se reproduit plusieurs nuits par semaine depuis des mois devant les différentes discothèques incriminées, à savoir le « GUESS CLUB », « L’ENDROIT » et le « BLANC ET NOIR ».

Le montage enchaîne plusieurs séquences vidéo tournées devant ces établissements à l’aide de téléphones mobiles, où l’on voit notamment des personnes bruyantes voire agressives à différentes heures de la soirée et de la nuit.

Réponse laconique de la préfecture

Sollicitée pour une réaction, la réponse de la préfecture de la Moselle tient en peu de mots, que nous reproduisons ci-dessous :

La préfecture rappelle qu’elle ne peut légalement décider de fermetures qu’au vu de faits avérés, documentés et constatés, à l’issue d’une procédure contradictoire. La police nationale est informée de l’enjeu et présente sur le terrain afin de relever les infractions et faire cesser les comportements excessifs.

Réponse officielle (et intégrale) de la préfecture sur le sujet, en date du 7 décembre 2022

François GROSDIDIER veut évacuer le problème vers d’autres communes

François GROSDIDIER, en marge d’une conférence de presse le lundi 28 novembre 2022 dédiée au réenchantement du centre ville, a indiqué vouloir éloigner les 3 discothèques du centre ville (cliquez pour lire notre article). Ces établissements de nuit, ou tout du moins leur clientèle, seraient à l’origine de problèmes insolubles, y compris par les forces de l’ordre.

Plusieurs soirs par semaine, une partie de la clientèle sèmerait ainsi le chaos dans le quartier, ou plutôt dans un espace distant de quelques dizaines de mètres, exactions attribuées à quelques dizaines de personnes alcoolisées, que la Police n’arriverait donc pas à juguler, « même en s’y mettant à vingt ».

Des activités de nuit dont François GROSDIDIER estime « qu’elles n’ont pas leur place en zone habitée », estimant préférable « qu’elles trouvent leur place en périphérie » de la ville. La réaction du maire a mis le feu aux poudres, tant avec son opposition qu’avec le syndic de branche du secteur, allant jusqu’à un échange en direct sur la radio nationale à grande écoute RTL, plutôt négatif pour l’image de la ville.

L’opposition municipale accuse le maire de ne pas assumer ses responsabilités

L’opposition UNIS (gauche/écologistes) au conseil municipal, par voie de communiqué (envoyé le 29/11) puis lors d’une intervention de son chef de file Jérémy ROQUES au conseil municipal du 1er décembre 2022, s’est indignée de la position de François GROSDIDIER au sujet des discothèques, tant par l’amalgame fait autour des personnes fréquentant les établissements de nuit aux côté de leurs exploitants, que par les conséquences du fait de déporter le problème en dehors des portes de la ville pour ne pas avoir su le régler.

Pointant du doigt l’échec de la politique du maire pourtant la plus emblématique autour de la sécurité dans la ville, les élus de l’opposition de gauche souhaitent « défendre le droit à la fête au centre ville » et précisent que si le problème n’est pas résolu, c’est du fait de l’incompétence de François GROSDIDIER qui ne ferait que rejeter la faute sur les autres :

« Cette déclaration de François GROSDIDIER est inacceptable, attentatoire aux libertés publiques et démontre sa fébrilité quant à l’échec de sa politique de sécurité dont il s’est fait le chantre. Dans les faits, il n’a pas rendu la ville plus sûre et désormais il lui fait trouver des bouc-émissaires : les boîtes de nuit. La méthode consistant à réduire les libertés plutôt que s’attaquer aux sources des problèmes, en rejetant la responsabilité sur d’autres acteurs sans que jamais le maire n’assume les siennes, n’est pas acceptable. »

Extrait du communiqué de presse du groupe municipal UNIS du 29 novembre 2022

Du côté de l’opposition d’extrême droite (RN) contactée sur le sujet, Grégoire LALOUX déplore autant

« l’hystérie du traitement de ce sujet par le maire, que le laxisme de la Préfecture qui doit intervenir en cas de dérive. Un laxisme également dénoncé par le maire de Metz ces derniers mois dans le cadre de différentes interviews. »

Propos de Grégoire LALOUX, élu municipal RN à Metz, interrogé par téléphone le 07/12/2022

Toujours selon l’élu municipal, le phénomène et les bandes à l’origine de ces problèmes sont connues de longue date, et les règles auraient du être appliquées par les forces de l’ordre.

Quant à la réaction de François GROSDIDIER, Grégoire LALOUX la regrette pour de nombreux griefs. Tout d’abord, « le maire aurait du jouer un rôle de négociateur » auprès des parties en présence « plutôt que d’incriminer totalement les clients ». Ensuite, « l’image hystérique donnée par le maire lors de son interview chez Pascal PRAUD (NDLR : lire plus bas) est déplorable » Mais surtout, l’élu lepéniste déplore « le très mauvais signal envoyé par François GROSDIDIER, Metz devenant la seule ville ou métropole de France sans boite de nuit », et de s’interroger : « où est le ré-enchantement de la ville quand il n’est pas possible de faire la fête la nuit à Metz ? »

Deux passages de l’affaire sur la radio RTL font connaître la situation au niveau national

Sur RTL, l’animateur Pascal PRAUD ayant eu vent de l’affaire avait qualifié François GROSDIDIER de « mauvais coucheur » dans son émission « Les auditeurs ont la parole », et d’un maire « faisant de la comm », voulant « créer une ville aseptisée » ou « servir son électorat », la suppression des discothèques pouvant constituer les prémices à celle des bars.

Bénéficiant d’un droit de réponse à l’antenne le lendemain, le maire de la ville a souhaité défendre son point de vue. Ne souhaitant pas nuire à l’image de la ville, François GROSDIDIER a néanmoins parlé de « 80 personnes envirées qui cherchent à en découdre tous les weekends » ou encore de « flaques de sang » tout en insistant sur la beauté des marchés de Noël à Metz :

Dans une sorte de dialogue de sourds, l’animateur et le maire ont ensuite échangé quelques amabilités supplémentaires avant de faire intervenir un responsable de discothèque locale.

Le syndicat de la branche « nuit » s’étrangle des propos de François GROSDIDIER

La branche « nuit » de l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) a dénoncé, par voie de communiqué (le 1er décembre), « des propos à contre-courant de l’époque, irrespectueux, irresponsables et archaïques » tenus par le maire de Metz. Et d’argumenter :

« Il existe des discothèques dans toutes les villes de France et d’Europe, dans lesquelles les maires gèrent en toute intelligence avec les exploitants, avec des résultats très positifs, les quelques nuisances générées par ces exploitations. Les solutions existent, ne pas les trouver avec nos professionnels est un aveu d’échec. […] Si un maire a un problème avec un professionnel, il ne doit pas jeter l’opprobre sur toute une profession. Nous avons besoin de construire une relation avec les décideurs politiques pour œuvrer dans le même sens pour une nuit festive et sécurisée »

Extrait du communiqué de l’UMIH du 1er décembre 2022

Indiquant que les professionnels de la nuit étaient des partenaires sociétaux des villes et non des adversaires, le président de la profession (déjà fortement touchée par la pandémie), s’inquiète des « déclarations du maire de Metz, qui auront pour conséquences une augmentation des soirées privées et non-encadrées en centre-ville avec une alcoolémie non contrôlée, un nombre d’accidents et de débordements nocturnes qui vont s’amplifier. »

Et de conclure sur le facteur d’attractivité d’une ville auquel s’attaque François GROSDIDIER en agissant de la sorte, là ou d’autres villes européennes intègrent la nuit dans le cadre de leur politique de tourisme de loisir mais aussi de tourisme d’affaires.

En conseil municipal le maire et l’opposition « remettent une pièce dans la machine »

« Face à la belle endormie que vous proposez, nous vous proposons le dialogue, la concertation avec
tous les habitants de la nuit. Ceux qui dorment, ceux qui travaillent, ceux qui fêtent ». C’est ainsi que le groupe d’opposition UNIS, lors du conseil municipal du 1er décembre, a proposé au maire

« la mise en place d’états généraux de la nuit regroupant tous les personnes qui se côtoient la nuit : les riverains, les acteurs de la nuit, la police municipale et nationale, les étudiants qui souhaitent maintenir une vie nocturne pour construire ensemble les solutions qui permettent de garantir la sécurité et la bonne entente de tous. »

Extrait de la prise de parole du Groupe UNIS au conseil municipal de Metz le 01/01/2022

Accusant l’opposition d’être dans la caricature et l’invitant à se taire, François GROSDIDIER l’a accusée

« de soutenir des délinquants, de vouloir que des gens puissent se battre, que des gens puissent provoquer du tapage en toute impunité ».

Propos de François GROSDIDIER au conseil municipal du 1er décembre 2022

Arguant du fait que le travail de concertation était effectué toute l’année avec les différents acteurs de la nuit et que « ce dialogue était permanent » François GROSDIDIER a dans sa réponse rejeté l’idée des états généraux proposée par UNIS parce qu’il n’y « avait pas de problème avec les gens de la nuit, mais juste avec 3 boîtes », demandé aux responsables d’établissement « de prendre leurs responsabilités par rapport à des clients trop fortement alcoolisés », invité la préfecture à « considérer la possibilité d’une fermeture administrative des discothèques concernées », et rappelé enfin aux fêtards de prendre leurs propres responsabilités « en faisant en sorte de moins boire, ou de désigner un capitaine de soirée ».

Le collectif d’habitants s’explique face à la presse

Le sujet prenant de l’ampleur, le Collectif Poncelet, à l’origine des prises de position de François GROSDIDIER, a souhaité clarifier sa propre position aux yeux du public cette fois-ci, par l’objet d’un communiqué de presse puis d’une conférence de presse (lire plus bas).

Dans ce communiqué, et bien que d’après nos informations les habitants ne soient pas tous totalement alignés sur la même longueur d’onde, le collectif d’habitants indique avoir tenté de rencontrer à plusieurs reprises les gérants des 3 discothèques « afin de s’expliquer calmement et de trouver des solutions pour que le quartier retrouve son calme », mais qu’en retour ils se sont « fait ignorer, agresser, insulter et ridiculiser par les responsables » des établissements.

Demandant le droit de vivre en toute tranquillité là où ils habitent, les membres du collectif égrainent dans ce communiqué les préjudices qu’ils « subissent 4 nuits par semaine » :

« différents troubles et nuisances causés par ces boîtes de nuit et leurs clientèles : Musique forte provenant des établissements (dans la rue ou directement à travers nos murs), Cris de la clientèle en état d’ébriété, Rixes et regroupements de personnes sous nos fenêtres, Agressions sexuelles, racistes, LGBTphobes et sexistes, Atteinte à la pudeur, Défécation sur la voie publique, Détritus, verres, bouteilles, mégots jetés au sol ou déposés sur nos fenêtres, Dégradation de nos immeubles et du patrimoine architectural, Effraction et vol au sein de nos copropriétés, Tentatives d’incendies »

Extrait du communiqué de presse du Collectif Poncelet, daté du 02/12/2022

Des faits qui ne seraient, toujours selon le collectif « pas des incidents isolés », mais des situations les empêchant de dormir ou de sortir de chez eux ». Précisant qu’ils n’avaient « jamais été opposés à la vie nocturne et à l’animation du centre-ville […] dans une ville attractive et dynamique avec une vie nocturne qui se déroule dans le respect mutuel », ces habitants demandent la fermeture provisoire de deux établissements, et définitive d’un troisième (« Le Guess » en l’occurence) pour que des solutions puissent être trouvées et mises en place sur le long terme ». Sans discussion, ils réclameront leur fermeture administrative et définitive.

Et de conclure : « Aujourd’hui, les riverains demandent une chose simple : pouvoir dormir, se sentir en sécurité et se réveiller au sein d’un quartier calme, propre et où il fait bon vivre ».

Dans la foulée du communiqué, le Collectif Poncelet est sorti du bois en organisant une conférence de presse le 6 décembre 2022, sur le thème : « Tapage et insécurité en centre-ville de Metz : la responsabilité des discothèques ». Une sortie quelque peu timide, puisque le seul représentant du collectif finalement présent était un jeune habitant du quartier, qui a livré son point de vue à notre micro :

Malgré la situation invivable qu’ils décrivent, les autres membres du collectif Poncelet « redoutant des représailles » n’ont pas fait le déplacement jusqu’à la place de la comédie, lieu de la rencontre avec les journalistes.

Les états généraux de la nuit à Metz devraient avoir lieu, mais sans la municipalité

François GROSDIDIER ayant rejeté l’idée (de l’opposition) d’organiser des états généraux de la nuit à Metz pour trouver des solutions à la problématique spécifique des rues du collectif Poncelet, le Groupe UNIS a pris la décision de se passer de la municipalité en tant qu’entité, et d’organiser cette rencontre malgré tout.

UNIS va donc lancer ces états généraux en regroupant les gérants de bars et de discothèques, ainsi que les riverains concernés ou se sentant concernés par le sujet. La rencontre se déroulera dans un bar de Metz en décembre 2022. Une situation qui pourrait faire émerger des idées de solutions. Cependant, sans la participation active de la ville, ces idées risquent bien d’être rejetées, voire ignorées, par la majorité municipale.


(1) Le « collectif Poncelet » se présente comme un collectif « représentant les habitants de la rue Poncelet, de la rue aux Ours, de la Nexirue et de la rue Haute Pierre. Depuis la création du collectif, en mai 2022, ils militent afin de faire valoir leurs droits à la tranquillité et à la sécurité ».

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