Sur le fond, ils affirment être d’accord sur tout, ou presque. Depuis novembre les partis de gauche travaillent de concert, aux côtés de forces syndicales et de citoyens, à la création d’un programme commun. Sur ce dernier, et donc sur le fond, les discussions « avancent bien », et peu de barrières semblent diviser les partis du fait de cette co-construction.
Pourtant, sur la forme, bien que chacun prône la nécessité autant que la réalité d’une union et d’un travail en ce sens, les prises de parole publiques des chefs de file renvoient des sons quelque peu discordants. Si s’accorder n’est, forcément, pas tâche facile, le passage par voie de presse pour affirmer certains éléments que l’on imagine plutôt devoir être traités lors de réunions internes, perturbe le processus. Pourtant, tous disent croire en leurs capacités à dépasser cette phase avant le début de la campagne officielle.
La presse, pour faire passer des messages qui ne passent pas en interne
C’est Bertrand MERTZ, chef de file du PS, qui, le premier, est allé sans ses camarades échanger avec la presse au lendemain de sa désignation, déclenchant (tout en prônant l’union) la zizanie après des mois d’un travail sans vagues, et entraînant une réponse par voie de communiqué des co-chefs de file de LFI (Jean-François SECONDÉ et Charlotte LEDUC) sur le sujet d’une possible ouverture vers le centre constituant, pour eux, une ligne rouge.
Constatant l’affichage public de ce désaccord avant la fin des discussions en interne, la coalition des autres partis a alors organisé son propre point presse ce mercredi 21 mai afin de rappeler le mot d’ordre « il faut l’unité, car la division, c’est la défaite »…
Les représentants de la La France insoumise (LFI), disant ne pas avoir été invités à cette conférence, se sont fendus d’un nouveau communiqué juste avant la rencontre, dénonçant une opération menaçant l’union de la gauche, suivi d’une publication sur les réseaux sociaux dans la foulée de l’action de la coalition d’Europe Écologie les Verts, du parti communiste, des Radicaux de gauche et du parti animaliste.

À moins d’un an des élections municipales, l’affichage du désaccord et le traçage de lignes rouges contradictoires en public sèment le trouble, alors que l’intégralité des partis concernés sait et répète à quel point l’union constitue la seule voie possible pour ôter la ville et la métropole des mains de François GROSDIDIER.
Car pour gagner, il faudra un candidat unique à la gauche messine pour les municipales 2026. Tout le monde à gauche s’accorde sur ce fait. La volonté est là, mais l’union reste complexe à mettre en œuvre quand l’un ne souhaite pas laisser plus longtemps la place vide pour le maire sortant qui est en campagne sans le dire, et l’autre préférerait que tout soit défini avant de partir en ordre rangé, et serré, sur le chemin des élections.
Un compromis qui tarde à se faire, une divergence de stratégies, et un point clé non-réglé à l’origine
La majorité des courants ne souhaite pas l’ouverture vers le centre macroniste. Mais le chef de file du PS, Bertrand MERTZ, veut quant à lui « travailler avec toutes les bonnes volontés », n’excluant pas le « centre à Metz » sans vraiment désigner ce qu’il entend par ces termes.
D’autres, qui nous demandent de ne pas les citer, estiment que ce rejet complet du macronisme pour cause de manque d’incarnation « oublie bien trop vite les scores de ses partis affiliés et le nombre de ses sympathisants qui représentent une alternative tout à fait acceptable », et dont les voix pourraient compter le moment venu, surtout quand on sait que la dernière élection municipale à Metz s’est jouée à moins de 200 voix près. Et de rajouter « quand il s’agit de mêler Macron et le national, ça en arrange certains, mais a contrario, il savent expliquer que c’est une élection locale, et donc que là, c’est différent ». Eux craignent qu’à force de vouloir jouer les équilibristes, ce soit surtout l’incohérence qui soit perçue.
La participation de la LFI à l’union peut aussi servir de repoussoir pour certains des plus modérés, révulsés par les prises de position anti-européennes, voire anti-démocratiques de Jean-Luc MÉLENCHON et de ses lieutenants. C’est notamment le cas de Xavier BOUVET, ancien président d’UNIS à qui l’union de la gauche ferme au passage définitivement la porte de la candidature en lui faisant un procès en abandon. Bertrand MERTZ lui, s’il ne refuse pas officiellement de travailler avec LFI puisque les représentants du PS discutent et élaborent le programme commun, avance sur une voie moins facilement identifiable.
Un jeu du chat et de la souris sur des sujets essentiels qui semble avoir créé une pierre d’achoppement depuis le début des discussions en novembre 2024, où le choix avait été fait de discuter d’abord de ce qui rassemblait avant de passer aux éléments plus compliqués, ceux-là même qui apparaissent désormais au grand jour, avec deux blocs qui discutent de tout, mais sans se départir de postures que d’aucuns considèrent comme délétère. Faire l’union, en excluant certains, tout en disant ne vouloir exclure personne… La gauche ressort l’un de ses principaux démons, et sait regarder ailleurs lorsqu’on lui agite cela sous le nez.
L’idée des forces de gauche était de mettre les égos de côté, et de définir une ligne commune avant de désigner un candidat pour la porter et faire face au maire sortant, François GROSDIDIER, qui devrait logiquement être candidat à sa succession. Cela a fonctionné jusqu’à la désignation et l’opération presse du chef de file du PS, suivie de la volonté des autres de ne pas lui laisser le champ libre, à lui. Pour le moment donc, on y est pas, alors que le sujet même de la méthode de désignation n’a pas été tranché en début de processus. On saura d’ici peu si tel fut le péché originel.
Car le choix du candidat de la gauche ne devrait pas être fait avant septembre et l’entrée officielle en campagne, de quoi laisser une chance à la cacophonie et à la division de s’installer d’ici-là. Si chaque partie s’en défend, le risque n’en est pas moins réel, et il peut sembler inefficace de vouloir chercher l’ouverture en commençant par fermer des portes, qui plus est devant la presse chargée de faire passer des messages à des électeurs qui, eux, demandent précisément le contraire, et à des collègues de travail qui, eux, savent parfaitement de quoi il en retourne.
Le contraste entre 6 mois de travail en silence, et les dissonances frénétiques depuis la désignation des chefs de file politisés montrent clairement où est le problème : avant on parlait du programme.
Sauf surprise, le choix pour incarner cette union de la gauche devrait se faire entre Bertrand MERTZ, Charlotte LEDUC et Jérémy ROQUES, membre écologiste du groupe UNIS et chef de file de la coalition qui prenait la parole lors de cette conférence de presse. Retrouvez ici son interview sur l’union de la gauche à Metz, la construction d’un programme commun et le point sur désignation d’un candidat :
Officiellement donc, le travail de fond se poursuit, au cours des réunions qui ont lieu toutes les semaines depuis novembre au cœur de 15 groupes thématiques, dans lesquels œuvrent 200 citoyens et politiques de gauche. L’union de la gauche qui se travaille en coulisse est probablement vertueuse au niveau des militants. Mais au niveau des réunions des instances dirigeantes, les décisions sur les éléments les plus âpres semblent éloigner les points de vue.
L’une d’entre elles s’est tenue le 22 mai 2025. Au regard du contexte, le silence assourdissant qui l’a suivi indique très probablement qu’aucune fumée blanche n’en est ressortie, reste à savoir si ce furent les drapeaux blancs ou les haches de guerre qui étaient posées sur les tables. Si ce sont les haches, la gauche messine aura d’emblée favorisé les conditions d’une défaite… tout en disant le contraire à qui veut bien l’entendre, et en pointant du doigt l’erreur de stratégie d’une obédience de son propre camp.
François GROSDIDIER, qui a désormais bien trop peur d’assumer une quelconque affiliation politique, et bien que confronté par l’opposition à un bilan de mandat qu’elle estime plus que famélique, n’a pour l’instant pas besoin de faire autre chose que de contempler le spectacle de cette même opposition qui travaille pour sa réélection.