Economie & emploi

Suspension de l’ecotaxe : les élus de Metz Métropole entre inquiétude et colère

Le gouvernement a suspendu la mise en oeuvre de l’ecotaxe, au moins jusqu’au mois de juin 2014, dans le but d’apaiser les tensions, nées en Bretagne avec les bonnets rouges, les transporteurs et les agriculteurs.

Sauf qu’en prenant cette mesure de suspension, le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT a déréglé une machine dont les rouages ont des impacts directs sur l’emploi dans l’agglomération messine et sur le financement environnemental des infrastructures routières.

Des rouages qui ont été conçus en 2011, et qui ont entraîné toute une série de processus et de conséquences, que cette suspension ignore superbement, bafouant au passage les engagements de l’Etat vis-à-vis des élus locaux et des habitants.

Une situation qui agace.

Les élus de Metz Métropole tentent de faire front

C’est pour défendre l’emploi sur le territoire que les élus de Metz Métropole, toutes tendances politiques confondues, se sont mobilisés, et ont envoyé un courrier au premier ministre le 19 novembre, lui rappelant à la fois les engagements de l’Etat et leur nécessaire continuité, mais lui précisant également tous les impacts humains, financiers et environnementaux que Metz Métropole subit dès aujourd’hui.

Les élus de Metz Métropole les plus concernés, réunis lors de la conférence de presse du 26 novembre 2013. Photo : Tout-Metz.com
Des élus de Metz Métropole, réunis lors de la conférence de presse du 26 novembre 2013. Photo : Tout-Metz.com

Avec plus de 3 millions d’euros investis dans la rénovation des locaux qui accueillent Ecomouv’, et des centaines de milliers d’euros investis dans la formation du personnel de la société, Metz Métropole rappelle également au gouvernement que les terrains de la BA 128 ont été acceptés de la sorte, justement pour pouvoir héberger rapidement la société chargée d’installer les portiques et de gérer la fameuse (et fumeuse) ecotaxe.

Jean-Luc BOHL, président de Metz Métropole est navré de la tournure des événements, mais veut y croire :

Tous les élus de Metz Métropole sont déterminés pour faire que le gouvernement tienne ses engagements, et pour obtenir d’autres compensations.

Dominique GROS, vice-président de l’agglo parle

d’un gâchis incroyable. Il y en a marre des agitations qui suffisent à faire changer la moindre décision.

Inquiets, les élus de Metz Métropole, au sein du conseil de l’agglomération, mais aussi dans la plupart des communes, voteront une motion pour interpeller le gouvernement sur le sort des personnels du projet, et sur la nécessité de décider rapidement des suites (voir le projet de motion de Metz Métropole ici).

Les élus de tous les bords politiques sont du même avis et partagent les mêmes inquiétudes. Photo : Metz Métropole-David Hourt
Les élus de tous les bords politiques sont du même avis et partagent les mêmes inquiétudes.
Photo : Metz Métropole-David Hourt

Sans pour autant vouloir dresser la Bretagne contre la Lorraine, les élus locaux rappellent au gouvernement ses responsabilités, la nécessité de mener ce dossier à bien de façon urgente, mais aussi les conséquences de l’attitude de l’Etat sur la vie de salariés et de futurs embauchés, placés bien malgré eux au milieu de la bataille bretonne.

Les 165 salariés déjà recrutés de la société Ecomouv chargée d’organiser (pour l’Etat et à sa demande) la récupération de l’eco-redevance font actuellement face à une situation de chômage technique, et l’avenir ne leur paraît certainement pas radieux pour la pérennité de cet emploi.

100 agents n’ont pas été embauchés en novembre, et 80 personnes devant entrer en formation pour être recrutées sont restées à la maison, alors qu’elles avaient trouvé un travail… enfin, le pensaient-elles.

Plusieurs dizaines de douaniers, chargés de superviser les travaux sur l’eco-redevance, font face aux mêmes incertitudes, et le chiffre de 150 douaniers, sensés être affectés au projet n’est plus évoqué.

Au total ce sont donc 450 emplois qui semblent se dissoudre sous les yeux des élus de Metz Métropole, et ces derniers craignent un effet domino sur l’emploi.

Bien démunis, juridiquement parlant, pour faire face, les élus ne peuvent donc qu’appeler le gouvernement à respecter ses engagements, et lui demandent des garanties sur l’emploi et la mise en oeuvre de l’ecotaxe.

Amnésie à la tête de l’Etat

Il semble que cela soit devenu une habitude depuis plusieurs années pour les gouvernements successifs, de traiter la Lorraine comme une région de moindre importance, un espace rempli de variables d’ajustement.

La métropole messine a eu sa part du gâteau amer. Déshabillée militairement en 2008, pour optimiser la carte militaire au profit parfois de régions bien plus riches, la métropole messine a été contrainte d’accepter le départ de milliers d’emplois.

Plutôt disciplinés et fatalistes, les lorrains ont bien du s’accommoder de la saignée, et tenté de négocier en contrepartie la meilleure compensation possible avec l’Etat.

Alors qu’au même moment le grenelle de l’environnement accouchait (entre autres) de l’ecotaxe, votée à l’unanimité à droite comme à gauche, et avec la bénédiction de la puissante FNTR (Fédération Nationale des Transporteurs Routiers), Metz Métropole a pu récupérer dans l’escarcelle des compensations, l’hébergement de la société chargée de piloter le projet, accueillie du coup sur le lieu même déserté par l’armée de l’air.

Près de 300 emplois garantis, en plus des 1.500 autres promis dans les compensations (à mettre en perspective avec les 5.000 qui ont été supprimés par le départ des militaires), ce n’était certes pas la panacée, mais rares sont les projets capables de créer autant de postes en si peu de temps.

L’ecotaxe, abandonnée depuis quelques jours par le gouvernement sur l’hôtel de la crispation bretonne trop chahuteuse en période pré-eléctorale, a été inventée pour financer le développement d’alternatives de transport de marchandises au meilleur impact environnemental (et notamment le développement des circuits courts), et pour assurer le maintien des infrastructures de transport. Celles-là même que les routiers empruntent logiquement à longueur de journées, y compris lorsqu’ils ne sont pas français.

Les portiques permettant d'effectuer la collecte de l'eco-redevance par Ecomouv
Les portiques permettant d’effectuer la collecte de l’eco-redevance par Ecomouv

Pour éviter la taxe équivalente mise en place dans 6 autres pays européens déjà, dont l’Allemagne voisine, les transporteurs étrangers ont re-routé une partie de leurs itinéraires vers les autoroutes françaises, et notamment celles d’Alsace et de Lorraine dont les habitants payent (sans cette taxe) la maintenance sur leurs impôts.

François GROSDIDIER le dit sans ménagement :

Remettre en cause le principe de l’ecotaxe est une stupidité.

Les « contre » cristallisent partiellement autour d’eux tous les mécontents de l’action du gouvernement, et ils sont nombreux, surtout en matière de pression fiscale. L’ecotaxe est un symbole de ce ras-le-bol, les portiques sont bien visibles et faciles à faire brûler, et la fumée se voit depuis Paris.

L’argument relatif à la situation de crise actuelle, fait une large place à l’oubli : en 2011 lors du Grenelle de l’environnement, la France était déjà en crise.

Défilé de ministres, mais sourde oreille à l’assemblée et mutisme à Matignon

Après plusieurs mois de disette au niveau des visites ministérielles en Moselle, promesse non tenue de Florange oblige, François HOLLANDE a bien été contraint de se déplacer dans l’Est.

Depuis, c’est un défilé régulier de ministres qui viennent fouler le sol lorrain pour tout un tas de raisons. Rien pour Ecomouv, pas même l’once d’une attention pour les salariés.

« L’affaire de l’ecotaxe » fait beaucoup parler d’elle, on ne compte plus les déclarations tonitruantes des uns et des autres, la date de mise en oeuvre repoussée plusieurs fois, la création d’une commission d’enquête, et plus récemment, l’évocation d’une date repoussée à 2015 et au-delà…

Mais lorsque les élus de Metz Métropole demandent des réponses aux préoccupations tout aussi concrètes de l’emploi, ceux-là même qui s’expriment sur le sujet avec force énergie devant les médias deviennent sourds et muets.

A peine Dominique GROS, maire de Metz et élu socialiste, semble y croire, tant les retours obtenus des conseillers du président de la république ne semblent être que les maigres reliefs d’une promesse impossible à tenir. Une de plus ?

Interpellés sur le sujet et par tous les moyens à sa disposition par François GROSDIDIER, député-maire de Woippy, les différents ministres en charge du dossier, y compris jusqu’au premier ministre Jean-Marc AYRAULT, n’ont d’après lui pas daigné répondre aux interrogations créées par la suspension de l’ecotaxe.

L’embarras n’explique pas tout, et peut-être le gouvernement estime-t-il qu’éteindre l’incendie breton ne fera pas descendre les lorrains dans la rue. C’est vrai que ce sont les bretons qui crient le plus fort.

Après tout, ce ne sont « que » 450 emplois à Metz n’est-ce pas ? Pas de quoi en faire un drame, ni porter un bonnet écarlate. Et puis, les courbes du chômage vont s’inverser à la fin de l’année, tout ira mieux et les emplois reviendront.

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