Politique & social

Démission du président de région, « Alsaxit »… nouveaux défis politiques pour le Grand Est

Philippe Richert, le Président de la région Grand Est, a annoncé officiellement ce samedi 30 septembre 2017 qu’il démissionnait ce jour même de son poste à la tête de l’exécutif régional, de l’ARF 1, et de tous ses autres mandats en cours.

L’acte plonge la région, déjà chahutée sur plusieurs sujets, dans une séquence inconnue dont les conséquences sont encore difficiles à évaluer.

Philippe Richert, premier Président de la région Grand Est (photo d’archives)

Le sujet était déjà sur les lèvres depuis plusieurs mois. Le Président de la région Grand Est Philippe Richert avait en effet déjà laissé entendre que son temps à la tête de la collectivité pourrait être moins long que celui du mandat. Depuis cet épisode, un blackout avait touché le sujet, jusqu’à cette rentrée de septembre 2017, où à nouveau des bruits insistants commençaient à courir au sujet d’une démission à la tête de l’exécutif.

Une démission que Philippe Richert a donc officialisé lors d’une prise de parole ce 30 septembre, au cours de laquelle il s’est évertué à défendre le bilan de ses deux ans de mandature, à passer en revue l’ensemble de son parcours politique (long de 35 ans), et longuement remercié ses collaborateurs et services.

Au cours de ce discours, ou parfois il s’est exprimé avec la gorge serrée d’émotion, Philippe Richert a justifié sa décision par sa volonté de laisser la main à une nouvelle équipe pour préparer la suite, « dans le cadre de l’intérêt général ». Un argument relativement ténu au regard de la soudaineté entre sa prise de décision et de la date de son départ.

Boîte de Pandore et luttes de pouvoir

La démission de Philippe Richert prend tout le monde de court.

En effet, si « l’alerte » évoquée plus haut avait bien été perçue, depuis, la situation n’avait pas connu de rebondissement, et l’éventualité d’un départ anticipé n’était plus un sujet. Depuis le projet de la loi NOTRE jusqu’aux récentes restrictions budgétaires, en passant par les différentes péripéties avant et après la mise en place officielle de la nouvelle région, Philippe Richert a souvent dû batailler dur, changer de fusil d’épaule, ou mesurer la défiance des uns et des autres. La pluie de critiques, justifiées ou non, ne l’avait jamais fait ciller.

Mais la rapidité de ce départ pose un problème aux autres élus régionaux. En effet, personne n’était réellement préparé à ce que la décision tombe si soudainement. Or, qui dit nouveau Président, dit aussi nouvel exécutif au sens large : bureau de l’assemblée, répartition des postes de vice-présidents (liste actuelle ici), des délégations et des responsabilités… toutes les cartes ou presque vont potentiellement être rebattues dans l’urgence. Ce qui provoque de fait une zone de turbulences dont les effets se ressentiront sur l’ensemble des projets en cours et du monde économique.

L’assemblée du Conseil Régional de la région Grand Est à Strasbourg

En laissant le bébé aux autres élus de la région sans préparer la transmission, Philippe Richert a donc ouvert la boîte de Pandore.

Les querelles d’ego autant que les douleurs provoquées par le mariage contraint de trois anciennes régions, associées à la précipitation d’un changement majeur d’exécutif, composent un mélange explosif dont la région et ses habitants n’avaient probablement pas besoin, occupés qu’ils étaient à rattraper le temps perdu du fait de la fusion.

Doit-on élire un(e) lorrain(e) ou un(e) champardenais(e) pour assurer une certaine alternance vis-à-vis des anciennes régions ? où l’Alsace va-t-elle vouloir garder la main à n’importe quel prix ? Qui est le mieux qualifié pour piloter le projet régional ? Quels changements d’axes ou de priorités interviendront ? Quelles revanches, territoriales ou politiques, vont se jouer dans les mois et années à venir ? …

Ce ne sont pas les questions qui manquent, et nul ne sait quel scénario se jouera, ni quelles en seront les conséquences. Philippe Richert lui, a appelé de ses voeux la poursuite des travaux, dans le respect de l’intérêt général plutôt que des intérêts particuliers qui s’agitent autour de lui depuis quelques jours. Un voeux pieux.

Alsaxit ?

On pourra noter que la démission de Philippe Richert intervient aussi après une forte séquence de communication du côté alsacien, sur le thème d’une Alsace unie, en dehors de la région ou avec des droits spécifiques au sein de la région récemment fusionnée.

Surfant sur la vague des anti-fusion, poussés par le souffle des régionalistes alsaciens, quatre associations ont en effet produit un document signé par 100 élus et notables alsaciens. L’argument clé de ce document : selon un sondage du CSA, 84% de la population alsacienne serait aujourd’hui favorable à une sortie de l’Alsace de la région Grand Est.

Lors de son discours du jour, Philippe Richert a écarté de la main toute possibilité de séparation de l’Alsace de la nouvelle région. L’Alsace qui a d’ailleurs été au coeur de toutes les attentions et des propos du président de la région Grand Est.

Celui ou celle qui succédera de Philippe Richert récupérera ce dossier et les tensions qui l’accompagnent. Nul doute que celles et ceux qui portent l’idée de séparation ne s’arrêteront pas en chemin.

La suite

Philippe Richert n’a adoubé ou désigné aucun successeur lors de son discours d’adieu.

Dans un premier temps, c’est le Jean-Luc Bohl, premier vice-président de la région, qui assurera l’intérim de la présidence, jusqu’à ce qu’un nouveau président ou qu’une nouvelle présidente soit élu(e) à la tête de la région Grand Est.

Selon les textes, le nouvel exécutif devrait être élu dans un délai d’un mois :

« En cas de vacance du siège de président pour quelque cause que ce soit, les fonctions de président sont provisoirement exercées par un vice-président, dans l’ordre des nominations et, à défaut, par un conseiller régional désigné par le conseil. Il est procédé au renouvellement de la commission permanente, dans le délai d’un mois, selon les modalités prévues à l’article L. 4133-5. »

La date de la prochaine séance plénière de l’assemblée du Conseil Régional est placée au 20 octobre prochain.


1 Association des Régions de France, présidée par Philippe Richert depuis le passage au système à 13 régions.

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