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L’aqueduc de Jouy-aux-Arches, le diable et le légionnaire

Dans le cadre de notre série d’articles sur les contes et légendes de Lorraine, voici l’histoire de l’aqueduc de Jouy-aux-Arches dont la construction fut longtemps attribuée au diable…

parchemin contes et légendes

Si, au cours d’une ballade dans la campagne messine, vous passez par Jouy-aux-Arches, vous découvrirez un aqueduc de 1,2 km de long, qui est longtemps resté un mystère pour les Lorrains de cette région.

Qui l’a construit ? Pourquoi est-il détruit ? Depuis quand existe-t-il ? Pendant longtemps, la seule réponse à cette question a été une légende: celle du légionnaire Mettius.

soldat romain

Un pont diablement inachevé

On raconte que Mettius était un légionnaire romain établi à Metz, qui s’appelait alors Divodurum. Il y a fait la connaissance de Nausidia, la fille d’un riche propriétaire de Metz.

Ces derniers se retrouvaient régulièrement dans une villa située près de Gaudiacum: l’actuelle Jouy-aux-Arches.

Mais un soir de printemps, alors que Mettius allait rejoindre sa belle, il s’est retrouvé devant la Moselle qui était en crue à cause des giboulées de Mars.

Mettius était coincé.

Alors qu’il faisait signe à Nausidia qui l’attendait sur l’autre rive, un étranger lui tapota l’épaule.

– Salut à toi, Romain.

– Ave, répondit Mettius, dis-moi, aurais-tu une barque à me prêter ? Comme tu vois, mon amie m’attend mais je ne peux pas la rejoindre.

– Je peux faire mieux que te prêter une barque, légionnaire, je peux te construire un pont, et en une seule nuit !

– Qui es-tu pour pouvoir accomplir de tels prodiges ? demande Mettius ahuri.

Je suis Satan, le maître des dieux. Demande à Jupiter de te construire un pont, jamais il ne te répondra. Moi je suis là et je tiendrai ma parole, si tu me donnes seulement ton âme.

Mettius accepta, et se coucha par terre pour dormir un peu, mais il était anxieux.

Alors, Satan se mit au travail, aidé par toute une armée de démons qu’il avait fait venir de l’enfer. En voyant le rythme infernal des travaux, le légionnaire angoissé comprit que Satan allait bel et bien emporter son âme !

Il se mit à arpenter les rives à la recherche d’une solution. En marchant, il réveilla un coq qui crut que c’était le matin et qui se mit à chanter. Alors tous les coqs des environs crièrent leur “cocorico”.

Satan crut lui aussi que c’était le matin et se dit qu’il n’avait pas tenu sa parole parce que le pont était loin d’être achevé. De rage, il donna des coups si forts dans les piliers du pont que ceux-ci s’effondrèrent.

Voilà pourquoi, selon la légende, le pont serait détruit aujourd’hui.

L'aqueduc de Jouy-aux-Arches

Le pont : un souvenir perdu

D’où vient cette légende ? Pourquoi a-t-on cherché une explication dans le surnaturel ?

Aujourd’hui, nous savons très bien d’où vient ce pont, qui n’en est pas vraiment un. L’aqueduc de Jouy-aux-Arches a été construit par les Romains au IIème siècle après JC, et il a été restauré d’après les techniques romaines par les Allemands, pendant l’annexion, entre 1870 et 1918.

Un aqueduc est une conduite géante qui capte l’eau d’une source, la détournant de son lit, pour l’amener jusqu’à un point donné, en l’occurence les thermes de Metz, situés sous l’actuel musée de la Cour d’Or.

L’aqueduc aérien que nous voyons n’est que la partie émergée de l’iceberg: en fait, 22 km de conduite souterraine amenaient la source du “bouillon de Gorze” au Sud-Ouest de Metz, jusqu’au Sablon, où se trouvait un bassin récupérateur.

Mais au Moyen-Age, on ignorait le tunnel souterrain, et aujourd’hui encore, on en a seulement découvert une partie. Une découverte faite, d’ailleurs, par hasard durant la construction de l’A31.

Les aqueducs anciens utilisaient la simple force de la gravité pour acheminer l’eau : il suffisait de donner un léger dénivelé aux conduites pour que l’eau coule vers sa destination. L’inconvénient était que, pour passer une vallée, il fallait construire un pont.

Jouy-aux-Arches se trouve dans une vallée, il a donc fallu construire une conduite en hauteur, c’est-à-dire un aqueduc, pour acheminer l’eau. Mais au Moyen-Age, les thermes romains n’étaient plus utilisés et l’eau venait d’ailleurs. On a perdu le souvenir de cet aqueduc.

Si on a perdu ce souvenir, c’est parce qu’à la fin de l’époque où les Romains vivaient en Gaule, le pays a subi des invasions barbares, notamment celle des Huns en 451. Il y a eu beaucoup de morts, mais surtout les gens se sont enfuis et se sont réfugiés à l’intérieur de la ville de Metz.

Plus tard, à l’époque de Clovis, on a arrêté d’utiliser les thermes, et l’aqueduc de Jouy-aux-Arches, n’ayant plus personne pour l’entretenir, a commencé à tomber en ruines. On a aussi fini par oublier que les Romains était à l’origine de cette construction.

De plus, les ponts en pierre comme l’aqueduc de Jouy aux Arches, surtout en province et dans les villages, étaient très rares au Moyen-Age. Voilà pourquoi les hommes de cette époque prenaient ce pont pour un édifice surnaturel. Celui-ci a été construit des siècles avant eux, en étant plus haut et plus solide que ce qu’ils étaient capables de faire.

L’aqueduc de Jouy-aux-Arches a presque 2000 ans et était un moyen efficace d’acheminer l’eau pour les Romains. Cet édifice tellement énorme et tellement vieux, relevait tout simplement du prodige, ou du démon pour les gens du Moyen Age.


Source : illustration : wikipédia, annuaire-mairie.fr

Un commentaire

  1. Excellente présentation : La légende, le côté romantique, puis le retour à la raison avec une base historique, c’est très complet, bien intéressant ! Merci et bravo !

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