Economie & emploi

L’union sacrée et l’artillerie lourde pour « booster » l’attractivité économique en Moselle ?

Le Conseil Départemental avait mis les petits plats dans les grands ce mercredi 27 avril 2016 à l’Arsenal, pour lancer un grand projet d’attractivité économique, et obtenir une adhésion la plus large possible des acteurs du territoire.

Près de 1000 personnes, issues des collectivités et du secteur privé, se sont déplacées pour écouter le message rassembleur de Patrick Weiten, qui peut se résumer comme ceci :

« Il est temps de se rassembler derrière une marque adoptée et mise en avant par tous, pour lancer une offensive économique à grande échelle. »

La salle principale de l'Arsenal à Metz, comble pour l'occasion du lancement de l'initiative attractivité ce 27 avril 2016.
La salle principale de l’Arsenal à Metz, comble pour l’occasion du lancement de l’initiative d’attractivité mosellane ce 27 avril 2016.

Un message entendu, une initiative indispensable pour le maintien et le développement des emplois, dont la nécessité et la mise en oeuvre ont été détaillés avec force exemples, témoignages et paroles de spécialistes tout au long de la soirée.

Une ambition optimiste, de voir les forces vives de l’économie peser de tout leur poids dans le projet, de croire en leur destin commun, et de réussir à créer et développer ensemble des outils modernes pour « vendre là-bas, et faire venir investir ici« .

Un défi aussi, quand on sait les obstacles qu’il faudra franchir, et le rythme élevé qu’il faudra tenir alors que d’autres territoires n’ont pas attendu la Moselle pour se lancer.

Patrick Weiten explique les détails du projet, et répond à nos questions :

Faire identité et causes communes pour être reconnus

Une stratégie utilisée partout de part le monde, qui a maintes fois montré son efficacité lorsqu’elle était bien pensée, largement adoptée, et bien mise en oeuvre.

En France, on connaît l’exemple de la Vendée, celui le Puy du fou, la marque « Only Lyon », ou  plus récemment la tentative alsacienne de s’unir derrière une marque territoriale pour attaquer les marchés, quels qu’ils soient.

Un territoire peut constituer une marque derrière laquelle se rassemblent les acteurs économiques.
Un territoire peut constituer une marque derrière laquelle se rassemblent les acteurs économiques.

Si certains territoires sont déjà détenteurs d’un tel catalyseur connu dans le monde entier, on pense par exemple  à Toulouse et « son » Airbus, la Savoie avec son immense offre de montagne et sa marque territoriale Mont Blanc, ou encore la Champagne avec… le Champagne, la Moselle, et d’une façon plus générale la Lorraine, ne peuvent pas s’appuyer sur une réelle différence marquant de sa puissance une visibilité derrière laquelle il est facile de se rassembler.

Il va donc falloir créer une identité forte. Pour ne pas partir de zéro, cela nécessitera de choisir parmi de nombreux symboles, des qualités territoriales reconnues, et surtout un nom, pour que chaque entreprise, chaque mosellan, et chaque initiative touristique, architecturale ou institutionnelle s’en face le porteur. Cet effet d’ensemble est amené à faciliter l’identification, la visibilité, l’intérêt et donc l’attractivité du territoire au bénéfice de tous.

Les entreprises, toujours soucieuses de s’inscrire dans une dynamique porteuse, seront sollicitées pour participer à l’élaboration d’une stratégie qu’ensuite elles déclineront selon leurs propres besoins. L’idée est de ne pas tenter de leur imposer une vision venue « d’en haut », mais de les mettre autour de la table pour qu’elles participent à sa conception, c’est en tout cas le point de vue défendus par les spécialistes et retenu par Patrick Weiten.

Une agence d’attractivité, et une marque unique

Le double projet proposé par le Conseil Départemental repose donc à la fois sur l’adoption d’une marque commune à utiliser largement, mais aussi sur la création d’une agence d’attractivité touristique et économique, qui sera en charge de rassembler autour de la table le plus d’acteurs possibles, de les faire réfléchir à cette stratégie commue, et de mettre en oeuvre son adoption par la masse… l’effet masse étant pour le coup le meilleur des échos.

On reconnaît d’ailleurs dans cet effet le principe de chasser en meute, que l’initiative LornTech cherche à accélérer sur le domaine du numérique en faisant cause et bannière commune.

moselle attractivite slide

Le fait de reconnaître indirectement le manque d’efficacité des initiatives publiques jusqu’à ce jour est à lui tout seul une petite révolution. Si elles ne sont pas toutes critiquables, le milieu professionnel en a vu passer un certain nombre qui ont eu un flop retentissant, ou une mort dans l’ignorance la plus totale lorsqu’elles étaient conduites en dépit du bon sens, pour un coût qui peut rester en travers de la gorge.

Collectif donc, est le terme consacré et central pour le projet départemental. Les plus sceptiques espèrent qu’il ne s’agit pas là, une fois de plus, d’un vain mot. A ce titre, le poids du passé constitue en partie un handicap.

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Mauvaises langues

Circuler entre les invités qui échangeaient sur le sujet lors du cocktail de clôture, permettait de comprendre que si l’initiative départementale était globalement bien accueillie, elle n’était pas exempte de critiques ou de constats parfois cruels.

Ainsi, si d’un côté les remarques soulignant le côté « logique » voir »évident » de l’initiative étaient présentes, d’autres marquaient le doute ou l’ironie : « il était temps », « 20 ans de retard », « pas gagné », « la CCI a dû apprécier », « pour une fois, on ne dépend pas des chinois », « c’est quoi, déjà, la participation du Conseil Départemental dans Pompidou ou dans le Palais des congrès ? », « de toutes façons, Weiten ferait tout pour lutter contre la puissance montante des métropoles »… difficile de lancer un projet sans tenir compte du passé qui, déjà, le plombe.

Pertinent, méchant ou de mauvaise foi, l’étendue du scepticisme semblait cependant ne pas avoir pris le pas, en tout cas à chaud, sur la nécessité de s’y mettre et de coller à l’initiative.

Les mauvaises langues ne pourraient en effet pas passer à côté d’un tel projet sans s’isoler. Elles observeront donc les adhésions, analyseront les réponses destinées à torpiller la stratégie, compteront les points, et se pencheront le moment venu sur le berceau du succès, ou diront « qu’elles le savaient que c’était mort-né ».

Le vrai défi de cette agence d’attractivité sera de ne pas être laissée aux mains des seuls politiques. Son objectif étant clairement économique, ce sera au secteur privé de se l’approprier, là où les tentations de récupération seront grandes, et les habitudes, pouvoir oblige, de vouloir décider de tout, seront capable de couler le bateau. En ce sens, l’initiative LornTech, plus ancienne et faisant appel aux mêmes rouages, sera à garder à l’oeil.

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Grands espoirs et gros obstacles

Pour résumer la situation, le besoin est réel, les attentes nombreuses, l’espoir nécessaire et la réponse adaptée car seule capable de ne pas subir la concurrence des autres territoire sans réagir.

L’union sacrée, partout où elle a pu se faire sous le triple signe du collectif, du pragmatisme et de l’efficacité, a montré sa capacité à déplacer des montagnes.

Entreprises, personnalités et citoyens sont tous potentiellement des ambassadeurs de la marque territoriale.
Entreprises, personnalités et citoyens sont tous potentiellement des ambassadeurs de la marque territoriale.

Ce rassemblement, désigné par la co-construction, nécessite de faire converger les besoins de chaque acteur pour que tous en tirent un bénéfice. Il faudra aussi valider son dimensionnement départemental.

Mais toute initiative doit faire face à une autre équation : celle de la somme et de la puissance des intérêts qu’elle suscite, face à celle de ceux qu’elle bouscule. Sur le fond, la pertinence du projet de marque commune n’est pas critiquable, mais ce n’est pas pour autant que certains ne feront pas ce qu’il faut pour le voir se « crasher », et tant pis pour le bien commun.

Avant de se battre vers l’extérieur, il faudra donc d’abord aplanir un certain nombre d’obstacles « internes » actuels.

Il faudra par exemple composer avec les initiatives déjà existantes de constitution d’autres marques territoriales. On pense notamment à Metz Métropole qui travaille depuis plusieurs années sur l’attractivité territoriale (dont la Moselle bénéficie mécaniquement), qui dispose déjà de centaines d’ambassadeurs actifs recensés, et qui livrera prochainement sa propre marque territoriale. L’articulation devra se faire avec beaucoup de soin pour ne pas produire d’effet inverse, ou ne serait-ce que brouiller le message.

On pense aussi au projet de métropole Metz-Thionville qui trouve peu à peu son chemin dans les esprits, pour un jour peut-être rejoindre Nancy à la table des discussions sur les schémas économiques du Grand Est dont les grandes villes de Moselle sont écartées sans ce statut, privées donc de voix au chapitre, et absente des cartes.

Autre difficulté, rassembler en invitant à trouver une position commune, et dans le même temps tenter d’imposer la marque Moselle, avant même que la réflexion censée être commune n’ait commencé… Si une autre marque sort du chapeau de la réflexion stratégique, le Conseil Départemental acceptera-t-il de ne pas y voir sa propre marque accolée ?

S’il semble évident qu’une telle initiative ne peut venir que du côté politique, le résultat des différentes réalisations portées par le politique et/où les collectivités ne peut pas s’enorgueillir d’un succès réellement marquant sur le plan économique. Le constat est dur, mais le fait même que cette initiative soit lancée est à lui seul la preuve que tout ce qui a été fait a peut-être servi à combler les trous, mais pas à prendre l’avantage de façon nette. « Le politique », décrié de toutes parts, devra pour réussir ce coup là, savoir véritablement s’effacer au profit du privé, tout en soutenant financièrement le projet.

Les observateurs avertis savent qu’une seule personne est parfois capable de tout faire capoter : « je paye, je décide », oubliant que l’argent mis en oeuvre n’appartient pas à la collectivité, mais aux citoyens qu’elle représente, il est possible de s’appuyer sur cette logique pour faire barrage, réorienter à son bon vouloir, et tuer dans l’oeuf l’effet que les bonnes volontés auraient, naïvement, pu obtenir.

Sur ce dernier point une première réussite est l’annonce de la fusion entre Moselle Développement et Moselle Tourisme, bloquée « de l’intérieur » depuis 2012 par une poignée de personnes malgré une volonté politique : quatre ans de perdus, et personne pour assumer.

Et les citoyens dans tout ça ?

Les habitants du territoire, s’il « se foutent » parfois du moyen d’y arriver comme a pu le prouver le Dr Kiffer en son temps à Amnéville, n’attendent que des résultats. Politiques, collectivités et entrepreneurs n’ont qu’à s’entendre et opérer les choix nécessaires, pourvu qu’ils payent. Une position un peu facile parfois, quand on sait que les mêmes seront obligés de déménager un jour, pour se rapproche d’un territoire attractif pour y trouver des services collectifs de qualité et du travail.

L’initiative proposée par le Conseil Départemental essayera cependant d’associer les citoyens le plus largement possible à l’effort.

Cela commencera par les « ambassadeurs star » tels que le thionvillois Laurent Witz et son oscar à Hollywood (gagné au nez et à la barbe de Disney), de grands sportifs, des personnalités de premier plan ou encore des artistes connus, qui seront invités à parler haut et fort de leur territoire d’origine.

Laurent Witz, "papa" de Mr Hublot qui a remporté l'oscar du meilleur film d'animation à Hollywood, reçoit la médaille de la Moselle des mains du président Weiten ce 27 avril 2016.
Laurent Witz, « papa » de Mr Hublot qui a remporté l’oscar du meilleur film d’animation à Hollywood, reçoit la médaille de la Moselle des mains du président Weiten ce 27 avril 2016.

Puis l’objectif sera que chaque mosellan du monde sache dire haut et fort tout le bien qu’il pense de son territoire et de cette marque commune, qu’il travaille ailleurs en France ou à l’étranger, ou qu’il y soit de passage. Une façon assez facile de participer, peu d’efforts pour de grands effets si la contribution est régulière et partagée par le plus grand nombre.

Beaucoup de participants espéraient après cette soirée que le projet porterait ses fruits, et ce malgré les écueils qui l’attendent sur le chemin. « Puisque l’Etat ne cesse depuis des années d’abandonner la Lorraine à son propre sort, autant se prendre en main » a conclu cet entrepreneur croisé au cocktail, reconnaissant que « le fait que le projet soit porté par le politique ne l’emballait pas », mais que paradoxalement, c’était bien le seul moyen de « lancer un truc pareil ».

Du côté de l’agenda, les réflexions débuteront d’ici à quelques semaines, et l’agence d’attractivité sera, elle, créée pour le 1er janvier 2017 pour commencer à mettre en oeuvre de la stratégie qui aura été décidée.

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2 commentaires

  1. On ne peut qu’être ulcéré devant ces grands-messes soviétiques réunissant les apparatchiks locaux et tous ceux qui prospèrent dans leur sillage (attachés recrutés par copinage, communicants, médiacrates, fonctionnaires territoriaux surnuméraires). On est également confondu par l’irréalité des mantras psalmodiés par les mêmes comme « le centre Pompidou, navire amiral de l’attractivité messine » (on dirait du Ceausecu) alors que ce musée végète pitoyablement ou le « dynamisme messin » alors que la démographie et les emplois marchands reculent en Lorraine. Et bien sur, aucune critique des politiques publiques à contre sens: disparition des véhicules et même des piétons du centre ville, multiplication anarchique des centres commerciaux à Metz et dans sa périphérie, véritable bulle gonflée par des élus autistes qui se vantent de créer quelques emplois alors qu’ils en détruisent plus ailleurs et qu’ils sinistrent leur centre ville, démagogie socialiste à tous les étages avec des événementiels pleins de logorrhée et de moraline à la sauce « plus belle la vie », comme ces troupes de « théâtreux » intermittents du spectacle payés par la ville pour aller jouer aux domiciles « des vrais gens », initiative qui aurait fait se bidonner le regretté Philippe Muray.

  2. Bien entendu, le programme de construction de complexes residentiels et hoteliers va se poursuivre. C est le lieu pour moi d appeler le secteur prive national a occuper, par l investissement et l audace, toute la place qui lui sied naturellement dans la mise en ?uvre des projets de renouveau urbain portes par le PSE.

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